Libre arbitre et Neuroscience

faire. Même la critique de la simplicité de la tâche à accomplir a été récemment ébranlée suite à la publication, en février 2013, d’une étude de Chun Siong Soon et ses collègues. Car ici, la tâche est beaucoup plus abstraite : le sujet doit décider d’additionner ou de soustraire des nombres qui défilent devant ses yeux, et l’on parvient tout de même à prédire quelle opération il va choisir 4 secondes avant lui ! Et ce, simplement en observant son activité cérébrale dans la région du cortex préfrontal médian et pariétal. L’étude montre en outre que le signal permettant de prédire la décision coexiste avec celui du « mode par défaut », un circuit cérébral de mieux en mieux caractérisé qui correspond à l’activité de base du cerveau quand on est éveillé et qu’on « ne fait rien » (en bleu sur l’image ci-haut). En cela, elle rappelle que le cerveau est un système dynamique toujours en train de faire « quelque chose » et qu’une décision consciente ne peut que se greffer, se bâtir, à partir de l’activité préexistente. De là à dire que notre sentiment de libre choix est quelque chose qui est ajouté bien tardivement dans la chaîne causale derrière un comportement, il n’y a qu’un pas, que plusieurs neurobiologistes n’hésitent plus à franchir. Mais comme cela sonnerait le glas de l’idée de la liberté humaine, et avec elle celui de la responsabilité individuelle (sur laquelle repose, par exemple, tout notre système de justice), certains tentent de réhabiliter la notion de libre arbitre. C’est le cas par exemple de Michael Gazzaniga dont les expériences sur les patients au cerveau divisé pointaient pourtant clairement dans le sens d’une rationalisation langagière a posteriori de nos comportements. Mais c’est justement en évoquant la nature dynamique du cerveau créatrice de propriétés émergentes, et en restituant la question au bon niveau d’organisation (le niveau social, selon lui) qu’il parvient à défendre l’idée de liberté et de responsabilité. Pour les personnes qui voudraient un tour d’horizon plus large sur cette question, incluant d’autres expériences récentes en imagerie cérébrale et des détails sur la position de Gazzaniga, vous pouvez consulter la présentation « Libre arbitre et neuroscience » que j’ai donnée la semaine passée dans un cégep du Québec.

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