Rapport à F. Hollande, Président de la République Française
85 « La loi Leonetti a 7 ans, on discute d’une loi que personne ne connait, il faudrait commencer par la connaitre en voyant comment elle peut s’appliquer autour de nous. » (Débat à Besançon) « Certes, il y a une revendication de liberté individuelle de choisir sa mort, mais on vit en société et comme la loi est la même pour tous, il faut réfléchir au niveau d’une collectivité et pas au niveau individuel. » (Débat à Grenoble) La légalisation signifie un changement symbolique fort, or le symbole est ce qui réunit et une légalisation de l’euthanasie peut créer l’effroi d’une population peu informée sur les conditions de sa réalisation. Avec la crainte pourtant non fondée d’une permission qui serait donnée à la médecine de mettre fin à leur vie. Il semble inconcevable qu’une loi puisse établir de façon générale les situations dans lesquelles l’euthanasie pourrait être réalisée, autrement dit qu’elle dicte une norme déterminant les cas où l’assistance au suicide serait possible. Tout déplacement d’un interdit crée nécessairement d’autres interdits. Répondre à des situations exceptionnelles dans un cadre législatif ne pourra jamais écarter le recours à la demande de nouvelles exceptions toujours imprévues initialement. La pratique euthanasique développe en effet sa propre dynamique résistant à tout contrôle efficace, et tend nécessairement à s’élargir, avec un curseur qualitatif sans cesse mouvant qui ne revient jamais en arrière. Elle intériorise des représentations sociétales négatives d’un certain nombre de situations de vieillesse, de maladie et de handicap. Elle peut susciter la crainte paradoxale d’une solution par défaut, d’une intervention médicale non souhaitée, en particulier pour des raisons économiques. Elle se heurte à une forte résistance du corps médical, sauf en cas de suicide assisté qui les déleste de la plus grande part de leur responsabilité. En se centrant sur la volonté de la personne concernée, elle peut faire l’impasse sur l’importance de l’accompagnement. Elle ne concerne qu’un nombre infime de personnes : 0,2% en Oregon, 1 à 2% en Belgique et Hollande, moins de 0,4% en Suisse. Il s’agit de pays à la faible démographie (quelques millions d’habitants : 28 millions d’européens sur 500 millions, 3,9 millions en Oregon), aux habitudes culturelles très individualistes, aux soins palliatifs très développés, avec une présence forte de médecins généralistes. L’euthanasie serait en France une pratique hospitalière car 70% des morts surviennent à l’hôpital et en institution, avec un corps médical généralement hostile. Les attentes exprimées au nom de l’euthanasie confondent suicide assisté et euthanasie (au sens de l’administration d’un produit létal à la demande de la personne malade, atteinte d’une maladie incurable). Or, il y a de grandes différences : le suicide assisté n’est pas accessible aux personnes incapables physiquement ou psychologiquement, et il est surtout proposé en dehors du milieu hospitalier. Il respecte l’expression majeure de l’autonomie avec le risque d’une agonie qui peut être longue. L’euthanasie, si elle réduit le temps d’agonie, en fixant une date à l’avance, modifie radicalement le sentiment d’ultime liberté. Enfin, les contraintes économiques qui vont dans tous les cas augmenter peuvent susciter un sentiment de culpabilité chez les personnes en perte d’autonomie pouvant les conduire à formuler une demande d’euthanasie.
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