Rapport à F. Hollande, Président de la République Française
62 d’assistance ne peut être considéré comme un comportement incitatif, nécessaire pour constituer l’élément moral de l’infraction de provocation au suicide. Un arrêt de 1987 illustre la définition du délit de provocation. Une personne était jugée pour avoir incité une autre à se suicider en lui tendant une arme et lui disant « Tiens, si tu veux ». Le juge a estimé que cette expression « ne comprenait aucun caractère contraignant ou convaincant de nature à paralyser la volonté de la jeune fille en ne lui laissant d’autre alternative que la mort pour résoudre ses difficultés » 27 . Cette approche de l’infraction respecte l’esprit de la loi, car à l’époque, le député Albert Mamy, dont les propos furent rappelés par le Professeur Beigner 28 , énonçait que « la proposition de loi qui devait devenir la loi du 31 décembre 1987 n’entend pas en l’espèce réprimer le suicide, qui est une affaire d’ordre personnel, mais souhaite seulement sanctionner le fait d’un tiers qui affecterait l’autonomie personnelle de la personne visée en transformant par son action, ses pressions, son influence, une personne libre en victime » Il apparaît donc que ni le suicide, ni l’assistance au suicide ne sont incriminables en droit français. Ceci dit, sur une question telle que l’assistance au suicide le silence du droit ne peut être interprété comme une tolérance dans la mesure où l’assistance au suicide interpelle les grands principes du droit. 4.2. LA JURISPRUDENCE FRANÇAISE ET LES PROCES POUR EUTHANASIE Comme elle l’a fait à bien d’autres reprises, dans d’autres domaines, la jurisprudence renvoie manifestement le législateur à sa responsabilité. En effet, l’état actuel du droit l’a conduit à prononcer en matière délictuelle et criminelle des peines exclusivement symboliques. Ainsi, les juges, obligés de statuer, prononcent des peines, mais leur volonté de clémence apparaît nettement : Ils qualifient de délits des faits qui devraient en réalité s’inscrire dans la catégorie des crimes (affaire Humbert). Ils prononcent quasi systématiquement une peine de sursis pour les condamnations qui, au regard des textes, peuvent atteindre 30 ans de réclusion criminelle (affaire Jensen, affaire Trémois). Il leur arrive de recourir aux circonstances atténuantes, comme la contrainte telle qu’elle est entendue par le droit pénal (affaire Humbert). 27 TGI Lille, 5 avril 1990, D. 1993, somm. Azibert ; Dr. pénal 1991, 196 ; Revue de science criminelle, 1993, 325, obs. Levasseur. 28 J. Léonetti, Rapport n°<1287 fait au nom de la mission d’évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, t. 2, p. 674.
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