Rapport à F. Hollande, Président de la République Française

60 3. LA SITUATION PARTICULIÈRE DU NOUVEAU-NÉ « La difficulté en pédiatrie est l’établissement du diagnostic. Il ne faut pas d’acharnement, il ne faut pas exagérer les chances de survie mais il faut laisser toutes les chances à l’enfant. » (Débat à Lyon) La spécificité d’un nouveau-né malade atteint de maladie grave ou d’un handicap létal, est qu’il est à la fois au tout début et à la fin de sa vie. Le paradoxe contemporain réside dans la diminution massive du nombre de nouveau-nés atteints de malformations diverses, cérébrales en particulier, dont l’existence est devenue marginale en raison d’un dépistage prénatal particulièrement intensif et l’augmentation du nombre de nouveau-nés prématurés, particulièrement fragiles. Ce transfert de maladies naturelles découvertes à la naissance sur des affections liées aux progrès de la médecine, interroge lourdement la médecine néonatale. Les néonatologistes reprochent parfois aux obstétriciens d’être à l’origine de naissances qu’ils jugent problématiques. Les attitudes face à ces enfants gravement handicapés, que ce soit lié à leur état naturel ou aux conditions de la grossesse et de l’accouchement, ont suscité des comportements médicaux qui ont varié dans le temps. Après une première phase dans les années 1980-90 de réanimation médicale à tout prix suivie d’euthanasie lorsque la perception de l’avenir de l’enfant apparait compromis, l’évolution de la néonatologie française s’est orientée vers un plus grand discernement initial suivi d’une diminution des actes euthanasiques ultérieurs. La loi Leonetti en est probablement à l’origine, même si elle est loin d’avoir résolu la complexité des situations. En effet, un arrêt de traitement est toujours une possibilité relativement facile chez un nouveau-né entouré de prothèses nutritionnelles, médicamenteuses, respiratoires etc. Mais lorsque l’enfant est autonome, qu’il tète, boit son biberon, la médecine est totalement impuissante à provoquer la mort, même si (et c’est rarissime) les familles le demandent. La pratique du double effet est interprétée de façon variable selon les établissements. Certains en font usage de façon très opportuniste en le réduisant de fait à un simple effet, si la famille est en accord total. D’autres structures hospitalières s’y refusent obstinément en se limitant à des sédations légères ou absolument nécessaires, en se privant vraiment de porter atteinte à la vie de l’enfant. La spécificité de ces situations de nouveau-nés est que contrairement au mourir de l’adulte ou de la personne âgée, la société n’exprime pas clairement une revendication à leur sujet dans l’espace public. Tout se résume à un dialogue singulier entre le pédiatre néonatologiste, qu’il soit ou non réanimateur, et la famille de l’enfant. L’objectif le plus partagé est celui de protéger à tout prix la famille de la difficulté d’un deuil à venir d’autant plus difficile qu’il serait lié à la complicité objective de la famille d’avoir demandé la mort de l’enfant. On conçoit la gravité des dilemmes que les néonatologistes éprouvent, mais c’est justement le caractère toujours tragique de ces résolutions qui explique la beaucoup plus grande conscience des problèmes qui entourent la mort en pédiatrie que pour l’adulte ou pour la personne âgée.

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