Rapport à F. Hollande, Président de la République Française
59 « Y-a-t-il des formations pour un citoyen ordinaire pour accompagner un proche malade ? » (Débat à Lyon) Le deuil semble de plus en plus difficile à vivre, en raison même du refoulement du mourir et de la mort dans notre société. Comme si c’était seulement après la mort que la société prenait conscience de sa réalité. Il n’y a plus de préparation à la mort, sauf peut être, et c’est le paradoxe, dans les situations de suicide assisté et d’euthanasie, souvent présentées comme des anticipations sous la forme de « success stories » et d’euthanasies cérémonielles. Est-on si sûr qu’un entourage puisse affronter aussi sereinement une mort décrétée, à tel moment précis de la journée ? Il y a un « avant », un « pendant » réduit à l’extrême minimum, et un « après » qui peut durer une éternité. Il est vrai, et on l’a vu dans ce rapport, que la médecine génère des situations de mort indignes et de survie insupportable, d’abandon, d’obstination déraisonnable, de solitude, totalement bouleversantes pour l’entourage. Et ce sont ces situations qui vont susciter le plus de demandes d’euthanasie pour ceux et celles qui les subissent ou les observent. La souffrance psychique devient la nouvelle cible, après la réponse médicamenteuse à la souffrance physique. « Faire son deuil » devient un exercice psychique obligatoire, parfois soumis aux psychologues ou aux psychiatres. La société est devenue intolérante à la souffrance psychique. Les propositions d’euthanasie et de suicide assisté s’intègrent à ce souhait de ne pas souffrir, physiquement pour le mourant et psychiquement pour le malade et son entourage. Une société qui souhaite se débarrasser aussi facilement de ces contingences a-t-elle pris la mesure du prix à payer pour une telle attitude de fuite? Ainsi, dans les auditions de la commission qui ont permis de rencontrer les personnes les plus « demandeuses » de suicide assisté ou d’euthanasie, il a été frappant de noter combien nombre d’entre elles étaient en deuil chronique (prolongé plus d’une année) ou présentant des complications de leur deuil (dépression caractérisée, deuil post-traumatique). Cet état de fait corrobore la dernière étude effectuée en Suisse et portant sur les endeuillés ayant assisté au suicide de leur proche à sa demande. Dans cette étude, entre 20 et 30% des proches qui étaient présents au suicide demandé par leur parent, ont présenté un deuil compliqué, c’est à dire un phénomène de dépression pathologique prolongée et des phénomènes de reviviscences, des flash-back , des tentatives d’évitement du rappel de la mort, une anesthésie affective, une expérience très invalidante de leur « accompagnement » jusqu’à la mort de leur proche. Dans les études effectuées aux Pays Bas, après une euthanasie, il apparaît que c’est surtout la préparation de la famille et de son proche s’apprêtant à voir mettre fin à ses jours, qui limite les risques de deuil compliqué. Mais au total, la commission observe la rareté des études comparatives sur les deuils après assistance au suicide ou euthanasie. Elle considère que des travaux de recherche sont hautement nécessaires en ce domaine.
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