Rapport à F. Hollande, Président de la République Française

50 Malgré cette interdiction, l’acharnement thérapeutique continue de provoquer une angoisse quant à sa possible persistance. Il n’y a pas de « droit » à ne pas subir d’obstination déraisonnable, ou de poursuite judiciaire 20 . Cette inquiétude est confirmée par un récent sondage du magazine Pèlerin en septembre 2012 qui révèle que près de 60% des français estiment qu’en France, la loi actuelle sur la fin de vie ne permet pas suffisamment d’éviter toute forme d’acharnement thérapeutique. Il n’existe pas de dispositif qui permettrait d’approcher de façon chiffrée cette obstination déraisonnable ordinaire. On a vu qu’elle existait en situation d’urgence, où il y a une pression familiale et sociétale parfois excessive pour inciter le médecin à agir encore, voire à « ressusciter les morts ». La peur des risques judiciaires peut aussi influencer certaines décisions de réanimation, les urgentistes pouvant penser que les familles seront davantage enclines à porter plainte s’ils ne tentent aucune manœuvre de réanimation. Il persiste aussi une obstination déraisonnable dans les services de réanimation. Selon Edouard Ferrand (médecin à l’hôpital Foch à Suresnes), le fait que le nombre de limitations des thérapies actives en réanimation ait connu une évolution modeste, passant de 53% des patients décédés en 2001 à 55,7% en 2007, signifie « que la moitié des malades n’ont pas vu leur projet thérapeutique évoluer vers une stratégie palliative : c’est un signe indirect d’acharnement thérapeutique. Dans le reste de l’Europe et les pays anglo- saxons, 80 à 90% des décès sont prévus et accompagnés ». Les services de cancérologie continuent de proposer des changements ou renouvellements de chimiothérapies qui entrainent des effets indésirables majeurs alors que le pronostic vital apparait engagé à très court terme. Ce questionnement sur l’obstination déraisonnable se pose de façon particulière pour les patients cérébrolésés. Les citoyens français craignent que des arrêts de traitement conduisent à la mort de patients dont la perte apparente de conscience ne correspond pas à une perte définitive ou irréversible 21 . La loi ne pose pas la volonté du patient comme un critère d’obstination déraisonnable. En pratique, les médecins ont tendance à privilégier ce que le patient souhaite, même lorsque ce que souhaite le patient peut s’apparenter, parfois, à une obstination déraisonnable pouvant être source d’effets négatifs pour lui. En effet, le consentement de la personne malade ne rend pas pour autant un traitement clinique disproportionné et futile moins délétère pour le corps. 20 Le deuxième alinéa de l’article L. 1110-5 du Code de la santé publique énonce que « lorsqu’ils (les actes de soins) apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus, ou ne pas être entrepris. ». L’emploi du verbe « pouvoir » empêche toute poursuite judiciaire sur le fondement d’une obstination déraisonnable. Ce choix a sans doute été fait pour laisser une marge d’appréciation au médecin, en particulier quand c’est le malade réclame le maintien de soins inutiles. 21 Les citoyens rapportent souvent l’exemple du livre « Une larme m’a sauvée » qui narre l’histoire d’une patiente atteinte du syndrome de Bickerstaff, une maladie auto-immune réversible qui attaque le système nerveux et paralyse le corps ; mais dont les médecins n’avaient pas identifié le syndrome et ont donc demandé l’arrêt des traitements, pensant que la personne était irréversiblement dans le coma.

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