Rapport à F. Hollande, Président de la République Française
45 3. LE DOUBLE EFFET Ce principe, déjà reconnu par Saint Thomas d’Aquin 16 , renvoie dans le domaine de la fin de vie aux actes destinés à atténuer voire supprimer la douleur insupportable en en assumant les conséquences éventuelles sur le raccourcissement de la durée de la fin de vie. Les critères sont l’intentionnalité, le motif de l’acte et la priorisation des effets bénéfiques sur les mauvais effets. On peut constater que s’il n’existe pas de moyens irréfutables pour connaitre l’intention, il est possible de l’approcher en analysant les doses et les modalités d’administration de sédatifs. Une sédation pour soulager la douleur nécessite une titration des besoins de médicament sédatif pour atténuer ou contrôler le symptôme tout en maintenant un certain degré de vigilance permettant d’évaluer la disparition ou non du dit symptôme. Une « sédation » létale est probable en l’absence de titration et d’évaluation ou lorsque les doses sont augmentées de façon linéaire jusqu’au décès. L’administration de doses massives d’un sédatif ne peut pas s’appeler un double effet. Il s’agit, qu’on le veuille ou non, d’une pratique euthanasique lente. Il est en effet difficile d’admettre pour un soignant qu’il ne peut soulager son malade et il peut être tentant de l’endormir pour ne plus entendre sa plainte. Mais quelle que soit la situation, le consentement de la personne à ce double effet doit être recherché de façon explicite. Sauf si le malade, par sa demande d’endormissement et de ne plus souffrir, résout de lui-même l’ambivalence. La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie stipule ainsi que « si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 1111-2, » – notamment « la volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée » – « la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un des proches ». Le plus difficile est de ne pas faire de ce double effet une culture euthanasique par défaut. Il n’est pas illégitime de souhaiter aux termes d’une discussion collégiale que la mort soit avancée par le traitement de la douleur. Il est illégitime d’en faire une habitude et de ne pas se questionner collectivement dans chaque situation. De la même façon, privilégier des sédations légères ou courtes, dans l’intérêt du soignant qui ne veut pas se faire accuser d’euthanasie, peut être d’une grande cruauté pour la personne malade. Comment consentir à des réveils incessants ? On en conclut que le double effet devrait être envisagé avec la plus grande prudence possible, d’autant plus s’il est vu comme une fin de vie programmée, tout en considérant que dans certaines situations insolubles, une sédation terminale intentionnelle, à la demande du malade et de ses proches, pourrait être envisagée. 16 ST THOMAS D’AQUIN, Sommes théologiques, Version numérique, II a, II ae, question 64, a. 7
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