Rapport à F. Hollande, Président de la République Française
39 1.2. LA MORT A L’HOPITAL VUE COMME UN ECHEC « Pour les professionnels, la mort semble être un échec, on n’écoute pas ceux qui veulent mourir, on voit rarement mourir quelqu'un qui n’est pas perfusé en établissement. » (Débat à Besançon) « Je trouve ça terrible de mourir dans l’ « anonymat hospitalier, sous l’emprise du pouvoir médical.» (Débat à Montpellier) Cette fréquente inhumanité est d’autant plus grave que le lieu de la mort est l’hôpital. Les chiffres sont en effet signifiants : 58% des malades meurent dans un établissement de santé, dont 80% dans un établissement public (rapport de l’IGAS 2009) ; 86% de ces décès sont constatés dans les services de courte durée ; 12% dans les services de soins de réadaptation ; 2% en Hospitalisation à Domicile (HAD) ; 3% dans les services de soins palliatifs ; 16% des décès surviennent lors de séjours inférieurs à 24h ; 20% des personnes concernées auront bénéficié de soins palliatifs, mais avec une majorité de 80% chez des malades atteints de cancer. La mort à l’hôpital est donc essentiellement une mort dans un service clinique inadapté à cette situation. Il n’existe pas de culture palliative de l’âge, ni de culture palliative pour les accidents vasculaires. A côté des cancers, seules les maladies neuro-dégénératives et les états végétatifs prolongés font l’objet d’une telle attention. L’hôpital doit répondre aux questions que posent deux formes de fin de vie : une mort qui s’accomplit dans le temps que nécessite l’évolution d’une maladie grave et une mort qui s’effectue dans la brutalité d’un accident que l’on ne pouvait anticiper. La mort à l’hôpital est occultée, vue comme un échec. Elle ne figure pas explicitement dans les missions de l’hôpital public, ou alors seulement, pour la seule question du prélèvement d’organes. Ceci confirme l’idée communément admise selon laquelle la mort n’est pas une mission de la médecine. Or, si elle ne l’est pas, l’accompagnement l’est. Ce rejet risque de pousser les professionnels à aller dans une direction où la mort court le risque d’être niée. Une médecine qui occulte la mort dans ses préoccupations s’interdit de répondre au minimum des exigences humanistes. Les chambres funéraires hospitalières ont depuis 15 ans fait un effort exceptionnel d’accueil des familles, se substituant souvent aux équipes soignantes car le temps manque après le décès pour un entretien. Il n’y a pas de financement d’accueil des familles après la mort et des soignants psychologiquement bouleversés. Et surtout, l’hôpital est décomposé en structures très spécialisées dont aucune n’a la responsabilité dédiée (en dehors des soins palliatifs !) de prendre en charge la mort. La mort est réduite à « ce n’est plus mon affaire, qu’il aille en soins palliatifs », quand leur disponibilité existe.
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