Rapport à F. Hollande, Président de la République Française

38 PARTIE 3 : Les conséquences de ces réponses inadaptées sur les lieux de fin de vie 1. L’HÔPITAL 1.1. LA CULTURE HOSPITALIERE DE PLUS EN PLUS SPECIALISEE EXCLUT LA MORT DE SES PREOCCUPATIONS « Il y a un gros problème en France : la prise en charge globale de la personne. Notre médecine est une médecine hachée, on en s’occupe pas de la globalité de la personne. » « Vers la fin de la vie d’un proche, j’ai été en contact avec des médecins qui faisaient leur possible pour soigner mais à la fin ils se trouvaient désarçonnés, avec un discours scientifique, froid et ils ne regardaient pas la famille comme des personnes souffrant par la maladie du patient.» (Débat à Grenoble) L’hôpital est devenu un lieu de soins technologiques où priment efficacité, compétitivité, excellence, et au sein duquel un français sur deux meurt. Chaque service est de plus en plus spécialisé, même la médecine interne qui a fini par recueillir la prise en charge des maladies rares. Aucun service hospitalier n’est en charge de la mort. La mort est le seul moment où l’ensemble des spécialités se retrouvent unanimes pour souhaiter le transfert de la personne, alors que le plus grand nombre de malades finissent leur vie dans un service médical ou chirurgical qui les a préalablement pris en charge pour les soigner d’une maladie ou d’un accident grave. Cette culture d’hyperspécialisation, qui rivalise de prouesses techniques, ne supporte que difficilement l’arrêt des soins et l’accompagnement simplement humain. Tout s’est passé dans l’évolution du rôle de l’hôpital comme si la fin de vie et la mort était progressivement exclues alors qu’elles se déroulent de plus en plus dans ce lieu. Dès qu’un malade dit non, ce non est suspecté venir d’un trouble cognitif ou d’une dépression mais il est rarement reconnu comme l’expression d’une volonté libre et éclairée, ce qui encourage de fait la personne malade à la longue à dire oui systématiquement pour ne pas à avoir à se justifier. Plus que la mort, ce qui fait difficulté aux acteurs hospitaliers et particulièrement aux médecins, est la manifestation de la fin de la vie et son cortège de souffrances. Les médecins n’ont pas appris à travailler sur cette ligne de crête correspondant à la limite des savoirs, à la limite de la vie, à leurs propres limites et aux limites des personnes malades. Ce temps de la fin de vie est un temps de souffrances aussi bien du côté des personnes malades que du côté des acteurs de santé. C’est probablement pourquoi les médecins ont cru pouvoir se distancier de la question en occultant la dimension sensible, relative à l’humain, pour surinvestir la dimension technique. Ce faisant c’est la part proprement humaniste de la fonction du médecin qui s’est estompée.

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