Rapport à F. Hollande, Président de la République Française

36 Enfermer par ailleurs la médecine palliative dans les seules unités de soins palliatifs serait source de dérives. Par exemple, une équipe, soudée par sa relation très forte avec les malades, pourrait être encouragée, à son insu, à des attitudes de prolongation de la vie parfois non souhaitée. Toute demande d’euthanasie par le malade, interdite par la loi, pourrait être interprétée comme une plainte existentielle à faire disparaitre par un accompagnement de qualité. Il est très difficile pour une équipe de se résoudre à aider à mourir par un geste radical dans la mesure où le sens même du métier est en opposition avec cette attitude, jugée « blasphématoire » par certains. Cette opposition, certes compréhensible, peut venir parfois nier les désirs profonds de la personne. Un médecin qui nous disait n’avoir jamais eu de demande d’euthanasie complétait sa phrase par « mais peut-être ai-je été sourd ». Les questions concernant la fin de la vie ne doivent en aucun cas être encloses dans le seul giron de la médecine, y compris palliative. Une mort bien accompagnée doit être possible dans tout l’hôpital. La « dimension palliative », n’étant évoquée dans notre pays qu’à l’approche de la mort, semble pour certains malades et familles survenir comme un « oiseau de mauvais augure » et, pour certains soignants, renforcer plus encore le cloisonnement existant. Le plus important dans le ressenti des citoyens est que les acteurs de santé refusent l’euthanasie au profit de l’idée d’une mort bonne parce que lente. Il semble que pour les citoyens, il y a du côté de la médecine, y compris dans les unités de soins palliatifs, une difficulté à comprendre qu’un malade puisse en avoir assez de vivre. Cette posture, plutôt anti- euthanasique de la médecine protège-t-elle les malades ou les inquiète-t-elle ? La question doit pouvoir être posée. Si les soins palliatifs sont encouragés, si les pouvoirs publics ont manifesté un engagement pour leur développement (programme de développement des soins palliatifs 2008-2012 par exemple), le ressenti de l’opinion est qu’on continue à prendre insuffisamment la mesure des attentes, en particulier pour les situations particulières de fin de vie au domicile, et que l’accès réel aux soins palliatifs reste particulièrement inégalitaire et insuffisant. Par exemple, les moyens financiers des réseaux à domicile sont soumis à des changements incessants de modalité de répartition de crédits ce qui entraine souvent une baisse de leurs ressources. C’est d’autant plus grave que celle-ci ne se fonde pas sur une évaluation, par les instances responsables des allocations budgétaires, de l’utilisation des moyens et de la qualité de la prise en charge. Tout se passe comme si l’encouragement répété en faveur des soins palliatifs n’était qu’incantatoire. 3. LES PHARMACIENS Ceux-ci jouent un rôle important mais méconnu dans l’accompagnement de la fin de vie. Les familles leur demandent souvent si les médicaments que le malade prend témoignent d’un pronostic grave à brève échéance. Dans un contexte de démographie médicale de plus en plus restreinte, les pharmaciens d’officine sont souvent interpellés par les proches des malades en fin de vie. Il leur est permis de livrer les médicaments au domicile : ils entrent donc, sans nécessairement y être préparés, à la fois dans l’intimité des personnes et dans la souffrance de la fin de vie.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTc5ODk=