Rapport à F. Hollande, Président de la République Française

31 Ce serait toutefois une erreur de n’avoir qu’une vue trop hospitalocentrée de la question. Des efforts importants doivent être faits sur l’accompagnement des personnes en fin de vie à leur domicile. Même s’il est nécessaire de s’interroger sur l’idée trop souvent admise d’une volonté de mourir à domicile entourées de ses proches, il serait essentiel de ne pas occulter les difficultés pour les proches à assumer ces situations sans la présence et le soutien de personnes formées à l’accompagnement. Les pratiques hospitalières, depuis la loi Leonetti, ont beaucoup évolué. L’euthanasie active directe, relativement banale avant les années 1990, a considérablement diminué. De la loi Leonetti, les médecins n’ont retenu que l’interdiction de donner la mort et non l’interdiction de maintenir indûment en vie. Cette loi est le plus souvent méconnue des malades. Lorsqu’ils en ont une notion, elle leur apparait trop souvent comme une protection des médecins par rapport à leurs décisions et non comme une ouverture sur un libre-choix. En particulier, la notion de directives anticipées reste confuse pour le plus grand nombre de bien-portants, de malades et de soignants. Sa rédaction reste exceptionnelle, et est en tout cas bien loin d’être encouragée en dehors d’associations militantes comme l’ADMD ou JALMALV. Le SAMU 78, le SMUR 72, SOS médecins nous ont dit qu’ils n’avaient quasiment jamais rencontré depuis 10 ans de malades détenteurs de ces directives. Leur accès difficile, leur méconnaissance, font que leur usage est dérisoire. La question demeure sur le caractère opposable de la médecine à ces directives anticipées, mais plus encore sur la reconnaissance de leur existence. Le fait que dans la loi, le médecin « en tienne compte » mais ne doive pas nécessairement y souscrire, décourage, semble-t-il, beaucoup de personnes quand bien même les professionnels de santé seraient alors exonérés de leur responsabilité. La personne de confiance, volontiers assimilée à la famille ou à la « personne à prévenir ». Sa désignation est loin d’être toujours encouragée voire formalisée et même lorsqu’elle existe, sa consultation semble bien aléatoire. La culture médicale dominante est une culture d’activisme encouragée par la prime à la seule évaluation quantitative et technique. La cancérologie n’est pas épargnée par cette culture. Maintenir à tout prix l’espoir sur une énième ligne de chimiothérapie apparait trop souvent préférable au respect d’une qualité de vie pour le temps qui reste, respectueuse des souhaits du malade. La question par exemple des phases 1 de recherche de traitement anticancéreux ne peut pas être dissociée de la question d’un acharnement thérapeutique au bénéfice de la collectivité et non au bénéfice du malade 11 . L’intégrité morale et physique de la personne ne peut être sacrifiée sur l’autel d’un altruisme utilitariste. 11 La phase 1 d’une recherche consiste à administrer un nouveau médicament à l’efficacité potentielle chez un malade. Le caractère toujours dangereux d’une chimiothérapie ne peut permettre l’administration de ces nouvelles molécules inconnues à des sujets sains. Il faut donc administrer à des malades qui à priori n’ont plus d’espoir thérapeutique. Or cette phase 1 explore la tolérance et non l’efficacité. Les malades doivent donc consentir dans cette phase de particulière vulnérabilité à prendre un médicament qui ne leur servira à rien sinon éventuellement à éprouver les effets secondaires. Le consentement devrait être très clair sur ce sujet. Or, il ne l’est généralement pas, insistant sur le caractère novateur du médicament et sur l’incertitude des résultats. Cette situation est d’autant plus troublante, que les malades qui auraient participé à la phase 1 sont exclus de la phase 2 qui est celle de la recherche de l’efficacité. La tension entre l’intérêt de la recherche médicale et l’intérêt personnel du malade est ici à son apogée.

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