Rapport à F. Hollande, Président de la République Française
28 PARTIE 2 : La médecine désarmée 1. LA CULTURE MÉDICALE CURATIVE Peu à peu, la médecine moderne, aux connaissances de plus en plus développées, a fini par considérer la maladie plutôt que le malade. Le médecin tend à devenir un « technicien de l’organe malade », et le malade un « usager de la médecine », voire un simple consommateur. 1.1. UNE MEDECINE QUI NE PRETE PLUS ATTENTION A LA PAROLE « Même si la relation médicale n’est pas une relation d’égalité puisqu’il y a de la compétence d’un côté et une demande de l’autre, c’est une relation de confiance et il doit y avoir une notion de respect et d’écoute pour ne pas être dans la toute- puissance. » (Débat à Montpellier) « Actuellement, c’est le médecin qui décide. C’est un pile ou face, je prie pour que ce soit un médecin qui m’écoute. » (Débat à Grenoble) « Ce que le malade ne veut surtout pas c’est qu’on se permette de penser ou de décider pour lui. » (Débat à Nantes) Il semble que la société ait intégré dans son imaginaire le sentiment que les soignants, quels qu’ils soient, n’ont plus le temps d’écouter la personne malade et ses proches, qu’il n’y a pas de référent et par conséquent, que l’organisation hospitalière s’est progressivement totalement déshumanisée. La médecine peut réanimer, prolonger, transformer des maladies immédiatement mortelles en maladies chroniques plus ou moins invalidantes, voire en états végétatifs bouleversants ou insupportables et douloureux pour l’entourage. Une médecine plus fondée sur la technique que sur la relation éprouve des difficultés à reconnaitre ses propres limites. Le risque étant que le malade ne soit plus considéré comme une fin en soi. Dans un tel contexte, comment porter attention à la personne du malade, à sa parole, à son histoire particulière, à ses liens ? Les médecins eux-mêmes, conscients de l’inanité de l’acharnement thérapeutique, hésitent toujours à faire de cette disposition une règle absolue, craignant que la justice ne leur demande des comptes. La médecine hésite à « lâcher prise », tant il est difficile pour un médecin de ne pas engager un traitement de plus, ou plus encore d’arrêter un traitement en cours, et de mettre en place un accompagnement. L’examen clinique et l’écoute du malade sont volontiers remplacés par des images, des chiffres et des écrans d’ordinateur, ce qui créé des malentendus fréquents entre les sentiments profonds des malades et le caractère scientifique des informations. Il y a peu d’espaces hospitaliers, acceptés par les financeurs au sens large du terme, pour que des lieux de parole et de questionnement permettent de dissiper ces malentendus. C’est un lieu commun de dire que l’évolution de l’hôpital, revendiqué même par certains comme une « entreprise » de soins, ne favorise pas l’information réelle et l’écoute des malades.
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