Rapport à F. Hollande, Président de la République Française
16 situations sont celles que nul ne souhaiterait vivre). Il est à noter que l’on oublie trop souvent la personne elle-même dans ces considérations. Souvent notre regard prévaut sur leur ressenti… En miroir, l’inquiétude, pour une personne, de la perspective d’une telle forme de « mort sociale », souvent vécue comme une perte d’autonomie, ou de la transformation des liens sociaux (enfants endossant le rôle de « parents » de leurs parents) qu’elle anticipe ou qu’elle perçoit, est à la source d’une revendication de dernière liberté qui lui permettrait de ne pas y être confrontée. 1.4. « LA BONNE MORT COMME UN DROIT A CONQUERIR » La « bonne mort » est revendiquée comme l’expression ultime de la liberté. Mais s’agit-il vraiment du souhait d’une « bonne mort » ? Ne s’agit-il pas plutôt du refus de l’éventualité d’une vie insupportable, en fin de vie ? Cette posture – parfois « médecinophobe » car malgré les lois cherchant à repositionner la personne malade dans son pouvoir de décision, la médecine n’a pas quitté l’ère du soupçon, en raison de son incapacité fréquente à répondre aux attentes des personnes en fin de vie – s’oppose à ce que la médecine décide à la place du malade de ce qui est le mieux pour elle, posture médicale ressentie comme insupportable. Il en est de même pour l’agonie. La culture ambiante ne supporte plus l’attente du mourir ; celle-ci est jugée inutile 8 , angoissante pour la famille, et pour certains consommatrice d’un temps qui ne va plus être utilisable pour d’autres actions. Dans la suite de ce qui est dit plus haut, la valeur utilitariste qui est donnée à la vie conduit parfois à penser que la fin de vie n’a aucun sens. Et parce qu’elle est dépourvue de sens, elle devrait pouvoir être supprimée. La mort à survenue rapide est alors valorisée, avec pour l’entourage la disparition du sens que peut constituer un accompagnement. L’accompagnement d’un proche en fin de vie est source de souffrance – comment ne pas souffrir face à ce temps de la séparation entre une personne dont la vie est encore présente mais touche à sa fin, et dont la conscience disparait à l’agonie. Il peut aussi être l’occasion de rencontres profondes, essentielles à la transmission des générations. Cette tendance visant à supprimer le temps de la toute fin de vie, le temps de l’agonie, qui est un temps de la séparation, est encouragée par la mise à distance de la mort dans notre société. Ainsi, la mort a été supprimée du programme de philosophie du bac scientifique. 8 On assiste depuis quelques décennies, à une évolution des représentations concernant la « valeur de la vie ». La vie serait moins une valeur en soi que ce que l’on fait de sa vie. Il s’agit de plus en plus d’une vision utilitariste qui conduit probablement certaines personnes en fin de vie à demander que l’on arrête celle-ci, considérée comme une « non-vie ». Mais un mouvement inverse s’est amorcé et amplifié, au niveau international, à l’égard des enfants et adultes handicapés. En témoignent la convention de l’ONU de décembre 2006 sur les droits des personnes handicapées, et dans notre pays, la loi de 2005 sur l’égalité des droits et des chances et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette question de la « non-valeur » de la vie continue néanmoins à concerne sélectivement les personnes âgées malades ou handicapées, qui ont été les seules, parmi toutes les personnes handicapées ou malades, à avoir été nommées « dépendantes ».
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