Rapport à F. Hollande, Président de la République Française

13 Cette esquive de la mort en tant que terme ultime et inéluctable de notre existence – notre mort et la mort de nos proches – renforcée par une attente excessive à l’égard de la médecine, a contribué à un effacement de la notion de « mort naturelle », et de l’idée de son accompagnement. Cet effacement trouve son expression la plus aigüe dans les appels au SAMU, au SMUR, aux pompiers ou à SOS médecins, comme si les urgentistes étaient sollicités pour accomplir une sorte de nouveau rituel. L’arrivée du SAMU fait renaître l’espoir et donne le sentiment que tout aura été fait pour empêcher la mort. C’est aussi le cas pour des personnes âgées, en institution ou à domicile, dans les dernières heures ou derniers jours de leur vie. Les urgentistes sont alors partagés entre la nécessité d’intervenir, quel que soit le sens de ces interventions, ou de se limiter à quelques gestes ou paroles d’accompagnement qui peuvent apparaître comme un renoncement trop rapide, alors que le simple soulagement de la douleur, de l’anxiété ou des difficultés respiratoires pourrait souvent suffire, et être le préalable à un véritable accompagnement. S’y associe un défaut de connaissance des souhaits du malade et un sentiment d’inadaptation à la situation. Le mourir est alors souvent vu comme un état transitoire susceptible de basculer à nouveau vers la vie ou comme un échec de la médecine, et non pas comme la fin naturelle de la vie. L’absence d’accompagnement des mourants aux urgences aboutira alors souvent à la situation paradoxale et tragique d’une mort sur un brancard dans une salle ou un couloir, dans une situation de stress intense pour les proches, ou dans la solitude et l’indifférence générale. Cette attitude peut être aussi encouragée par le sentiment qu’il y aura toujours un traitement qui devrait être plus efficace, même s’il peut être source d’une itinérance généralement vouée à l’échec et à l’émergence d’une rupture dans la continuité des soins. L’information disponible sur Internet, dans ce domaine, a joué probablement un rôle majeur, qui n’est sans doute pas encore assez interrogé aujourd’hui. En miroir de cette tentative du malade ou de ses proches d’esquiver la finitude, il y a souvent une situation identique chez le médecin qui se situe dans une forme d’agir, proposant toujours une autre possibilité technique ou l’essai d’un autre traitement. Inversement, la réduction continue, pour des motifs économiques, et de plus en plus importante depuis quelques années, des crédits et des lits dans les services de réanimation, conduit ceux-ci à devoir refuser de plus en plus de personnes âgées en services de soins intensifs, sans même pouvoir les examiner, à partir de renseignements relativement rudimentaires qui sont communiqués au service, notamment sur l’état supposé de « démence » de la personne. Ainsi, très fréquemment, la personne âgée très malade se trouve, paradoxalement, confrontée dans un contexte d’urgence, soit, le plus souvent, à une situation d’acharnement thérapeutique ou d’obstination déraisonnable, soit à une situation de perte de chance d’être prise en charge. Ce qui manque presque toujours, c’est l’accompagnement humain sur la durée, en dehors du contexte de l’urgence. 1.2. LE SENTIMENT D’ABANDON « Il est important d’anticiper, il est important que la mort cesse d’être tabou. » (Débat à Clermont Ferrand)

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