La Mécanique Quantique pour les Non Physiciens
VII Consid´erations historiques attachement `a la m´etaphysique » , le r´esultat de Bell ne semblait ni particuli`erement spec- taculaire ni particuli`erement d´erangeant. Il semblait simplement confirmer les pr´ejug´es dominants sur l’impossibilit´e d’introduire des variables cach´ees et sur le caract`ere com- plet de la m´ecanique quantique. De fait, si on ne combine pas la partie ‘EPR’ et la partie ‘ Bell’ de l’argument discut´e dans la section V, aucune cons´equence dramatique ne suit de l’argument de Bell. C’est, en un mot, pourquoi la majorit´e de la communaut´e des physi- ciens de la seconde moiti´e du XX e si`ecle sous-estima la signification d’un des r´esultats les plus spectaculaires de l’histoire de la physique. Par ailleurs, le th´eor`eme de Bell est une bonne illustration des vertus d’une attitude r´ealiste en philosophie des sciences. Pauli comparait le probl`eme de savoir si quelque chose dont on ne peut rien connaˆıtre existe n´eanmoins avec la vieille question du nombre d’anges qui peuvent s’asseoir sur la pointe d’une aiguille 48 , et il pensait que les questions d’Einstein ´etaient de ce type-l`a. Bell par contre connaissait la th´eorie de Bohm, la trouvait satisfaisante, mais ´etait pr´eoccup´e par son caract`ere non-local. Il voulait voir s’il y avait moyen de faire mieux ou si toute th´eorie concernant le monde r´eel aurait n´ecessairement cet aspect extraordinaire. Mais c’est en posant ce genre de questions « m´etaphysiques » qu’il est parvenu `a son r´esultat. Revenant `a la th´eorie de Bohm (et `a la th´eorie GRW), elle montre qu’il faut se garder d’ˆetre dogmatique avec les th´eor`emes d’impossibilit´e et de proclamer trop vite qu’on a atteint les limites de notre compr´ehension rationnelle du monde. Laissons le dernier mot `a John Bell qui, comme on l’a vu, ´etait l’un des plus lucides d´efenseurs de la th´eorie de Bohm. Il explique que, lorsqu’il ´etait ´etudiant, il avait lu le livre de Born [13], qui affirmait, sur la base d’une mauvaise compr´ehension de la signification du th´eor`eme sur l’impossibilit´e des variables cach´ees de von Neumann 49 , qu’une th´eorie 48 Dans une lettre de 1954 `a Max Born, [14], p.223, cit´e par [55], p. 81. 49 Pour ce qui est de l’int´erˆet de ce th´eor`eme, Bell en a fait une analyse d´etaill´ee ([7], chapitres 1, 4 et 17), dont la conclusion est exprim´ee en termes peu charitables : « La preuve de von Neumann, si vous la regardez vraiment, elle tombe en morceaux entre vos mains. Ce n’est pas simplement faux, c’est idiot ! » [4] La violence du propos doit ˆetre situ´ee dans le contexte : comment se fait-il que cet argument, dans lequel il n’y a effectivement rien, ait ´et´e pris au s´erieux par tant de physiciens et de philosophes, 44
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