Kant, Emmanuel (1724-1804). Critique de la raison pure. 1869

372 DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE Platon se servit dumot idéede telle sorte qu'on voit bien qu'il entendait par là quelque chose qui non-seule- ment ne dérive pas des sens, mais dépasse même les concepts de l'entendement dont s'est occupé Aristote, puisque l'on ne saurait rien trouver dans l'expériencequi y corresponde. Les idées sont pour lui les types des choses mêmes, et non pas de simples clefs pour des ex- périencespossibles, commeles catégories. Dans son opi- nion, elles dérivent de la raison suprême, d'où elles ont passé dans la raison humaine mais cette dernière se trouve actuellement déchue de son état primitif, et ce n'est qu'avecpeine qu'au moyen de la réminiscence(qui s'appelle la philosophie)elle peut rappeler ses anciennes idées, aujourd'hui fort obscurcies.Je ne veux pas m'en- gager ici dans une recherche littéraire pour déterminer le sens que le sublime philosophe attachait à son ex- pression. Je remarque seulement que, soit dans le lan- gage ordinaire, soit dans les écrits, il n'est pas rare d'ar- river par le rapprochement des pensées qu'un auteur a voulu exprimer sur son objet, à le comprendre mieux qu'il ne s'est compris lui-même, faute d'avoir suffisam- ment déterminéson idée et pour avoir été conduit ainsi à parler ou mêmeà penser contrairement à son but. Platon voyait très-bien que notre faculté de connaître sent un besoin beaucoupplus élevé que celui d'épeler des phénomènes pour les lier synthétiquement et les lire ainsi dans l'expérience,et que notre raison s'élèvenatu- rellementà des connaissancestrop hautes pour qu'un ob- jet, donné par l'expérience,puissejamaisy correspondre, mais qui n'en ont pas moinsleur réalité et ne sont pas pour cela de pures chimères. Platon trouvait surtout ses idées dans tout ce qui est

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