Kant, Emmanuel (1724-1804). Critique de la raison pure. 1869

DE L'APPARENCE TRANSCENDENTALE 355 conçu. Si donc on peut dire justement que les sens ne trompent pas, ce n'est point parce qu'ils jugent toujours exactement, c'est parce qu'ils ne jugent pas du tout. Par conséquent c'est uniquement dans le jugement, c'est-à- dire dans le rapport de l'objet à notre entendementqu'il faut placer la vérité aussi bien que l'erreur, et partant aussi l'apparence,qui nousinviteà l'erreur. Il n'y a point d'erreur dans une connaissance qui s'accorde parfaite- ment avec les lois de l'entendement. Il n'y a pas non plus d'erreur dans une représentation des sens (puisqu'il n'y a point de jugement). Nulle force de la nature ne peut d'elle-mêmes'écarter de ses propres lois.Aussi ni l'entendement ni les sens ne sauraient-ils se tromper deux-mêmes (sans l'influenced'une autre cause). L'en- tendement ne le peut pas; car, dès qu'il n'agit que d'a- près ses lois, l'effet (le jugement) doit nécessairement s'accorder avec elles. Quant aux sens, il n'y a point en eux de jugement, ni vrai, ni faux. Or, commenous n'a- vons point d'autres sources de connaissances que ces deux-là, il suit que l'erreur ne peut être produite que par une influence inaperçue de la sensibilité sur l'en- tendement. C'est ce qui arrive lorsque des principes subjectifs de jugement se rencontrent avec les principes objectifset les font dévierde leur destination Il en est ici commed'un corps en mouvement il suivrait toujours de lui-même la ligne droite dans la même direction, si une autre force, en agissant en même temps sur lui sui- La sensibilité, soumiseà l'entendement,en tant qu'elle lui fournit l'objet auquel celui-ci-appliquesa fonction,est la source des connais. sances réelles. Mais cette même sensibilité, en tant qu'elle influesur l'acte mêmede l'entendementet le détermineà juger, est le principe de l'erreur.

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