Kant, Emmanuel (1724-1804). Critique de la raison pure. 1869
PHÉNOMÈNES ET NOUMÈNES 323 carte entièrementde celuides anciens, et qui n'offresans douteaucunedifficulté,maisoùl'onnetrouveaufondqu'une vaine logomachie.Il a plu en effetà quelques-uns d'ap- peler l'ensembledes phénomènesmonde sensible,en tant qu'il peut être perçu, et monde intelligible,en tant qu'on en conçoit l'enchaînementsuivantles lois universellesde l'entendement.L'astronomie théorétique, qui se borne à observer le ciel étoilé, représenterait le premier; et l'as- tronomie contemplative (expliquée,par exemple,d'après le système de Copernic ou d'après les lois dela gravita- tion de Newton), représenterait le second, le mondein- telligible. Mais un tel renversement des termes n'est qu'un subterfuge sophistiqueauquel on a recours pour échapper à une question incommodeen détournant à son gré le sens desmots.L'entendementet la raison ont sans doute leur emploi par rapport aux phénomènes; mais on demande s'ils ont encoreun autre usage par rapport à l'objet qui n'est plus phénomène (mais nou- mène), et l'on entend l'objet dans ce sens en le concevant en soi comme purement intelligible,c'est-à-dire comme donnéà l'entendement seul, et nullement aux sens. La question est doncde savoir si, outre cet usage empirique de l'entendement (même dans la représentation newto- niennedu système du monde), il peut encore y avoir un usage transcendental,qui s'applique au noumènecomme à un objet; et c'est là une questionque nous avonsré- solue négativement. Quand doncnous disons que les sens nous représen- tent les objets tels qu'ils apparaissent, et l'entendement, tels qu'ils sont, cette dernière expressionne doit pas être prise dans un sens transcendental, mais seulementdans un sens empirique, c'est-à-dire qu'elledésigne les objets
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