Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LA PLACE DU PÈRE doit finir par échapper à son omnipotence. Chaque enfant doit recommencer le trajet fait autrefois, et maîtriser le désir de retourner se fondre dans la Mère, car « les désirs instinctifs qui ont à pâtir de par elle (la culture) renaissent avec chaque enfant... Ces désirs instinctifs sont ceux de l'inceste, du cannibalisme et du meurtre ». Chaque nouveau-né est totalement impuissant, totale- ment livré à sa mère ; pour lui, elle est la Toute-Puissante, la Déesse, douce ou terrible. Celle qui donne tout : lait, chaleur, amour. Mais elle est également celle qui arrache tous ces biens délectables et essentiels lorsqu'elle le veut ; celle qui console et qui soigne, et celle qui rejette et punit. C'est justement cette inévitable présence de la Mère Toute-Puissante dans les phantasmes de l'enfant — donc de l'adulte — qui empêche les hommes de désirer non seulement un retour à l'ancien état de choses, mais même une simple égalité avec les femmes, car derrière chaque femme se cache le phantasme d'une possible Mère omni- potente. [Cette ambivalence vis-à-vis de la Mère, cette haine et cet amour que nous lui portons, est bien connue et depuis longtemps décrite par les psychanalystes, notam- ment par Mélanie Klein (la « bonne » et la « mauvaise » mère) ; on la retrouve dans maintes légendes, maints récits, phantasmes ou rêves où, il faut le noter, la place de la « bonne mère » est généralement fort réduite, alors que celle de la « mauvaise mère » est envahissante. Pour Lacan, il ne saurait même y avoir vraiment de bonne mère, car lorsqu'elle ne répond plus automatique- 3. Freud, L'avenir d'une illusion, P.U.F., p. 16. 103
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