Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE Cela implique que, aussi longtemps que la femme était considérée comme seule responsable de la naissance des enfants, aussi longtemps que la part du père dans la procréation était méconnue, il était impossible à l'homme de s'imposer en maître à la Mère. Or, Mère, Grande Déesse et Nature étant un seul et même être, il ne pou- vait songer à maîtriser la Nature. De même que l'enfant a besoin de l'image du père, du tiers castrateur, pour se structurer en dehors de l'étouffante relation duelle avec la mère, de même ce n'est que lorsque fut lentement reconnue la part procréa- trice du père, lui aussi donneur de vie, que l'humanité put enfin accepter de dominer la nature. Jusque-là, ce n'était qu'à peine, sans la violenter, sans la blesser, que les humains vivaient d'elle et sur elle : chasse, cueillette, on jouissait des fruits qu'elle voulait bien offrir comme du lait d'une bonne mère *. Jusque-là, la maîtresse absolue était la Grande Déesse, équivalent de la Mère Phantasmatique et de la Nature. Il fallait donc, pour avoir l'audace de la dominer, trouver un point d'appui en dehors d'elle. Ce point d'appui, pour la communauté des hommes du Néolithique — comme pour chaque enfant aujourd'hui encore — c'est dans le père qu'on allait le trouver. Mais, pour que ce point d'appui fût solide, il fallait que la Mère cessât d'être la seule Créatrice, puisque c'est de cette * « L'homme ne se sentait pas plus distinct de la nature et autonome par rapport à elle que son moi n'était séparé radicale- ment des images maternelles », dit Gérard Mendel (La Révolte contre le Père, P.B.P., p. 21). C'est une des articulations les plus importantes à saisir pour comprendre comment a pu naître la civilisation. 88

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