Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE combattus pour deux raisons : la première est le ridicule qu'il y aurait à faire des proposition galantes à une femme déjà âgée et, de plus, très proche parente ; cette raison-là arrive parfois jusqu'à la conscience. La deuxième est impi- toyablement refoulée : c'est l'assimilation qui se fait entre mère et belle-mère et qui, en même temps que le désir, engendre la terreur. Car, au-delà de la crainte du ridicule qui s'attache à l'idée d'être amoureux d'une femme âgée (il faudrait d'ailleurs aussi se poser la question : pourquoi est- ce considéré comme ridicule ?), existe, bien plus contrai- gnante, la crainte phantasmatique de l'inceste provoquée par cette représentante de la mère qu'est la belle-mère. Or, cette crainte est purement phantasmatique, puisque aucune consanguinité n'existe entre gendre et belle-mère, qui pourrait expliquer une « horreur naturelle » de cet in- ceste. De même, la religion catholique interdit à un homme de se marier avec sa marraine ou sa nourrice, elles aussi représentantes de la mère. Ainsi la réprobation s'attache-t-elle à un mariage où la femme est nettement plus âgée que le mari, alors que la situation inverse est communément admise. Ainsi en est-il de la tragédie d'OEdipe. Ce n'est pas d'avoir couché avec sa mère dans la réalité qui est horrible, c'est d'avoir bravé l'interdit phantasmatique. Œdipe ne bravait pas les lois, puisqu'il ignorait son crime, et pour- tant le châtiment fut exemplaire ; lorsque (Edipe épouse Jocaste, ils vivent parfaitement heureux, leurs quatre en- fants ne sont ni physiquement monstrueux, ni mentalement déficients ; le royaume de Thèbes est sagement mené, et aucune catastrophe ne s'abat sur lui. Ayant épousé sa mère, Œdipe a bravé l'interdit majeur, et pourtant il ne se passe rien : pas de châtiment divin, pas de tare physi- 78

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