Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LE PREMIER OBJET D'AMOUR un abri totalement sûr, un nid d'amour protecteur ; et qu'après la naissance, ce sont ses bras et sa poitrine qui ont joué ce rôle, il est aisé de comprendre la place primor- diale que tient la mère dans la psyché de ses enfants. Si, au stade pré-oedipien, le seul objet d'amour est la mère, et si donc il s'agit d'un amour que l'on peut quali- fier d'incestueux, il n'est pourtant évidemment pas génital, mais bien fusionnel * ; c'est un désir de non-séparation, d'attachement perpétuel et total, qui est d'ailleurs ressenti de la même façon par les enfants des deux sexes. Il ne peut d'ailleurs guère en être autrement, puisque la gesta- tion et la naissance sont les mêmes pour tous. Comme le note Freud : « Chez l'homme, la mère est le premier objet d'amour... et elle le reste jusqu'à ce qu'on lui substitue un autre objet qui lui ressemble par sa nature ou qui dérive d'elle. Pour la femme aussi, la mère doit nécessaire- ment être le premier objet. Les conditions primordiales du choix d'objet sont naturellement les mêmes pour tous les enfants'. » Mais, s'il est évident que le premier objet d'amour du garçon est sa mère, Freud doit insister pour faire admettre qu'il en est de même pour la fille : « J'ai avancé les deux faits qui m'ont frappé par leur nouveauté : que la forte dépendance de la femme vis-à-vis de son père ne fait que recueillir la succession d'un lien à la mère aussi fort ' » ; et : « en vérité, pendant cette phase pré- * Dans cet essai, il s'agira principalement d'inceste pré-oedipien, mais il faut bien voir que si celui-ci ne prend son plein sens que plus tard, que si ce n'est que par un effet d'après coup qu'il peut devenir un désir génital, il n'en reste pas moins qu'il s'agit fondamentalement du même désir. 2. Freud, Sur la Sexualité Féminine, P.U.F., p. 141. 73
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