Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE « aimer » sa mère, car, aussi bien pendant la gestation que les premiers mois de vie, le nourrisson ignore où sont ses limites : où « je » finis et où « elle » commence. Ce n'est donc que par un effet d'après coup que ce sentiment diffus, dont on ne sait s'il faut le qualifier de narcissique ou d'objectal, prend le sens ordinaire que nous donnons au verbe aimer. S. Nacht et S. Viderman ont retrouvé, chez leurs pa- tients adultes, profondément refoulé, ce désir de retour à l'état fusionnel du nouveau-né avec sa mère ; et l'on sent bien ce que cet amour a de narcissique puisque, dans l'amour/fusion, l'un et l'autre étant confondus, c'est autant soi-même que l'autre que l'on aime : « Mais il arrive qu'au cours de l'analyse nous touchions parfois une région plus profonde, plus secrète, plus im- muable du psychisme, caractérisée par un besoin intense d'union absolue ; ici l'individu semble ne plus chercher rien d'autre qu'un retour à un monde originel où la sépa- ration n'existait pas encore. Il semble que la peur, mère de tous les malheurs de l'homme, n'ait commencé pour lui qu'avec ce sentiment de séparation, et qu'il garde cette soif de retrouver l'état d'union, de paix, de plénitude - état pré-objectal par excellence, désir profond de n'être qu'un avec l'objet, d'être fondu en lui '. » Mais ce désir prénatal et néonatal rend impossible pour le nourrisson un choix d'objet d'amour autre que sa mère. Il ne connaît qu'elle, il ne peut aimer qu'elle. Si l'on ajoute à cela que, dans l'immense majorité des cas, le ventre maternel a été, avant la naissance, un lieu douillet, 1. S. Nacht et S. Viderman, Du monde pré-objectal dans la relation transférentielle, R.F.P., n° 5, 1959. 72
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