Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

L'INTERDIT FONDATEUR Cette constatation jette un doute sérieux sur le lien unique — ou même seulement privilégié — qui existerait entre l'interdit de l'inceste et l'exogamie. Si Claude Lévi-Strauss a démontré que la prohibition de l'inceste est à l'intersection des faits de nature et des faits de culture, il me semble en revanche difficile d'accep- ter la conclusion qu'il en tire, à savoir que cet interdit sert à rendre possible l'échange, donc la communication et finalement la socialisation. Comment comprendre, dans ce cas, les ethnies qui bor- dent la Méditerranée, où les échanges sont tout particuliè- rement nombreux — échanges de marchandises, d'idées, de techniques, mais non de femmes ? « Il existe aussi, écrit Germaine Tillion, d'autres so- ciétés, précisément celles qui font l'objet de cette étude [les sociétés endogames du Maghreb], où la situation est exactement inverse : si l'échange [des femmes] s'y rencon- tre, c'est malgré une volonté sociale partout exprimée 9 » Et plus loin, elle ajoute : « Je pense donc qu'on peut dire qu'on retrouve partout en Méditerranée des traces d'une volonté très antique.. de ne s'allier par mariage à une lignée étrangère que sous la pression d'une nécessité impérieuse '° *. » 9. Germaine Tillion, op. cit., p. 69. 10. Germaine Tillion, op. cit., p. 82. * Les dictons et proverbes populaires, d'origine religieuse, Montrent bien la faveur qui s'attache, dans l'Islam, à cette sorte de mariages ; l'un de ces dictons est : « la fille de ton frère est comme la couleur d'une muraille, elle ne te trahit pas » ; un proverbe iranien affirme : « le mariage entre cousins germains est célébré au Ciel » (Bagher Saroukhani : Le choix du conjoint en Iran, thèse de Doctorat ès Lettres). On peut citer encore l'opinion d'un vieux savant marocain, 63