Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE quence, dans certaines sociétés, l'échange des femmes, puis des marchandises. Mais il est difficile d'admettre que ce soit là son but. Ceci parce qu'il existe deux sortes de tabou de l'inceste, qu'il faut bien distinguer l'un de l'autre si l'on veut y voir clair. Le premier concerne — suivant la définition qu'en donnent les dictionnaires — toutes les personnes avec lesquelles il est interdit de se marier ; l'autre concerne la mère seule. De ces deux sortes d'interdits, c'est uniquement celui qui concerne l'inceste mère/enfant qui est — selon moi — fondateur ; et la preuve en est apportée sans équivoque par l'existence de sociétés endogames parfaitement viables. Si, comme le pense Lévi-Strauss, le but de l'interdit de l'inceste est l'échange des femmes et, par ce biais, l'échange tout court (puisque, étant obligés d'échanger les femmes, les hommes sont obligés d'avoir des relations avec leurs voisins) alors on ne comprend plus comment des sociétés endogames peuvent exister, sauf à être totalement repliées sur elles-mêmes. Or, que voyons-nous ? Les sociétés les plus endogames sont précisément celles qui bordent la mer Méditerranée, celles d'où est née notre civilisation, et qu'il semble bien difficile de décrire comme repliées sur elles-mêmes. Comme l'écrit Germaine Tillion : « Car c'est un fait, on trouve disposées en auréoles autour de la région privi- légiée où Homo, pour la première fois, mena paître un troupeau et ensemença un champ, des sociétés expansion- nistes, endogames jusqu'à la limite de l'inceste, et parfois dépassant celle-ci, « racistes », guerrières... Et c'est un fait aussi qu'elles engendrèrent notre civilisation » 8. Germaine Tillion, Le Harem et les Cousins, p. 57. 62
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