Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

L'INTERDIT FONDATEUR à l'homme... [on doit] considérer l'aversion pour l'inceste comme une adaptation culturelle ancienne. » Les points de vue semblent inconciliables : pour l'un, l'interdit de l'inceste est un fait de nature, un instinct de l'homme, et fait partie de notre patrimoine héréditaire. Il semble à Lévy-Bruhl presque sacrilège d'en parler, et on ne saurait le transgresser, non parce que cela est défendu, mais parce que cela n'est pas même pensable ; on ne peut même pas imaginer pareille chose, et il est inutile d'étudier cet interdit, puisque : « cette prohibition n'existe pas ». Ceci montre bien d'ailleurs l'ébranlement affectif que cause l'idée de l'inceste, ébranlement si violent, qu'un savant comme Lévy-Bruhl préfère le refouler au point d'en nier l'existence. Pour Lowie (non sans difficultés ni sans lutte, et après avoir essayé de se débarrasser du problème sur les bio- logistes et les psychologues), l'interdit de l'inceste est, tout compte fait, un acquis humain. Les opinions sont donc opposées sur ce sujet. Mais il faut bien voir aussi qu'il ne s'agit pas là d'une querelle académique, mais d'une problématique qui se situe au coeur même de notre être et de notre devenir. En effet, s'il y a une « horreur naturelle de l'inceste », alors l'homme a toujours été tel qu'il est, il n'y a pas eu de processus psychique d'hominisation, et Freud, qui a mis le complexe d'Œdipe au centre de la théorie analyti- que n'est qu'un fou qui a pris ses chimères pour des phan- tasmes. Si, au contraire, l' « horreur de l'inceste » est acquise, alors l'homme s'est en quelque sorte enfanté lui-même, 55

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