Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE « La mort, dans un sens, était plus effrayante que le sang. Elle avait toujours ses voiles bruns qui traînaient dans les recoins de ma pensée, la rendant vague, floue, incertaine. Elle avait toujours sa faux luisante, bien aigui- sée, faite pour trancher net ce que bon lui semblait, sans explication. Elle avait toujours sa beauté, sa souplesse, sa subtilité qui faisait qu'elle m'attirait, que j'avais parfois envie de lui donner la main pour qu'elle me conduise dans le domaine de la connaissance, de la clarté, du repos 11. » C'est, admirablement rendue, l'ambivalence désir/ter- reur qui accompagne tout désir de retour dans le ventre maternel, et qu'exprime aussi cette phrase de Roland Barthes : « On s'y réfugie comme dans le sein maternel, qui est aussi le sein de la mort ". » (Notons que, pour Freud, c'est de cette ambivalence que naissent l'angoisse d'être enterré vivant, et un des axes de la religion : « l'angoisse singulière de tant d'hommes qui craignent d'être enterrés vivants — et aussi le profond fondement inconscient de la croyance à une vie après la mort, qui ne fait que projeter dans l'avenir cette étrange vie prénatale — viennent de là '$ ».) D'autres preuves du désir de retour nous sont apportées par les contes, qui parlent très souvent soit des châteaux enchantés où l'on est à l'abri de tout, soit des palais de dame Tartine, soit des re-naissances miraculeuses (Le petit chaperon rouge), des princes charmants qui vien- nent réveiller de belles endormies au temps fixé, ou encore des héros qui délivrent des vierges qui de tout 11. Marie Cardinal, Les Mots pour le Dire, Grasset, p. 80. 12. Roland Barthes, Le Degré Zéro de l'Ecriture, Seuil, p. 159. 13. Freud, L'Interprétation des Rêves, P.U.F., p. 344. 48

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