Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LE DÉSIR DE RETOUR recours des premiers humains ; le froid, la pluie, lorsqu'ils excédaient les possibilités de leurs protections naturelles, étaient subis comme des maux inévitables, comme un dé- cret de la toute-puissante Mère nature. En aucun cas l'ani- mal ne peut s'opposer à cette dernière ; tout au plus peut-il s'adapter au mieux et ruser avec elle. Tout autre est la démarche de l'humain ; il ne vit plus avec la puissante, la redoutable nature comme un enfant avec sa mère, attendant tout d'elle, recevant tout d'elle, mais aussi soumis à tous ses caprices. L'homme a choisi de lutter contre elle par l'intellect qui invente l'outil, la raison qui déduit et prévoit, le travail qui la force à se soumettre. Car c'est l'intelligence (nommons-la ainsi pour simpli- fier) qui a permis à l'homme d'inventer — pour prendre un exemple parmi tant d'autres — l'agriculture. Et c'est grâce à l'agriculture que l'homme a pu forcer la nature à produire les aliments quand et comme il veùt, et donc la faire passer du rang de Maîtresse à celui de servante. Mais par là même, il a accepté de prendre le Père comme modèle d'identification, et la raison comme modèle de culture. Ce, non sans avoir dû refouler la nostalgie de son union perdue avec la Mère, nostalgie qui fait retour dans les mythes, les légendes, les religions ; car nous regrettons tous le Paradis perdu, où tous les biens de la terre étaient à notre disposition sans que nous ayons à les gagner par le travail. Il fallait toutefois, avant de pouvoir maîtriser la nature, renoncer au lien fusionnel avec la Mère, et la désacraliser. Mais cela ne fut sûrement pas — n'est toujours pas — 41

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