Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

CONCLUSION place, c'est aussi qu'on la lui a laissé prendre, peut-être même qu'on l'a poussée à la prendre. En acceptant de n'être pour rien dans cette affaire, le fils — ou l'auteur qui parle pour lui — ne fait rien d'autre que nous donner la preuve que ni le père, ni le fils, ne désirent assumer leur destin, et confirment ainsi la Mère dans ce rôle écrasant. On croit les entendre dire : « Ne voyez-vous pas que nous avons affaire à la Déesse ? C'est elle qui doit porter tout le poids de la faute, car nous, chétifs, sommes bien trop faibles pour lui résister, pour affirmer notre existence. » Or, la seule façon de briser l'emprise de la Phantasmère, c'est — pour le père comme pour l'enfant — d'accepter une part de responsabilité ; c'est de prendre conscience que si la « Mom » est ainsi, c'est aussi, pour répondre à leur demande ; car, plus on charge la Mère * de toute la faute, moins on est partie prenante, et moins on se sent coupable, certes, mais aussi moins on existe. En fait, chacun concourt à la création de la mère abu- sive ; dès la naissance, la société — par le truchement des parents — fait pression sur la petite fille pour qu'elle se développe suivant un certain schéma et, en particulier, qu'elle renonce à affirmer sa personnalité, à développer pleinement son intelligence ; en un mot, on l'invite à être passive. La fillette refoule alors — pour ne pas perdre l'amour de ses parents et sa place dans la société — une grande part de son agressivité. Mais cela ne va pas sans frustra- * a Sans âge, présente pour toute l'éternité ; c'est une statue vivante, une institution, un bloc inaltérable » ; c'est ainsi que la décrit Lederer (Gynophobia, p. 69). 331

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