Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE dans le Lai du Chèvrefeuille : « Ni vous sans moi, ni moi sans vous » et même Caton le Censeur : « L'âme de l'amant vit dans le corps de sa maîtresse. » Pour illustrer la seconde, nous avons certains contes — tel celui des « trois frères » —, certaines légendes - comme celle d'Hermaphrodite — et la plupart des dictons, proverbes et aphorismes, qui sont la « sagesse populaire ». La légende d'Hermaphrodite * me semble en effet mon- trer que la fusion porte en elle la mort de l'individu : dans -les Métamorphoses', Ovide raconte qu'Hermès et Aphro- dite eurent un fils d'une merveilleuse beauté dont ils confièrent l'éducation aux Nymphes du Mont Ida. Vers sa quiniième année, il les quitta pour explorer le monde, et arriva ainsi près d'un lac habité par la nymphe Salmacis. A peine celle-ci eut-elle vu Hermaphrodite qu'elle en de- vint follement amoureuse. Alors, dans l'excès de sa pai- sion, et voyant qu'il lui résistait : « Tu te débats en vain, cruel, tu ne m'échapperas pas. Dieux, ordonnez que jamais rien ne puisse le séparer de moi, ni me séparer de lui. » Les dieux exaucent sa prière, leurs deux corps n'en for- ment qu'un seul, à jamais ils sont unis. Mais, voyant qu'au sein des eaux, où il est descendu homme, il est devenu moitié femme, et que ses membres ont perdu leur vigueur, Hermaphrodite lève ses mains au ciel et s'écrie d'une voix qui n'a plus rien de mâle : « Accordez une ' grâce à votre fils, qui tire son nom de vous, ô mon père, ô * On considère généralement que le malheur et l'amoindrisse- ment d'Hermaphrodite sont dus à la présence en lui des deux sexes. Pour pertinente que soit cette interprétation, elle n'exclut pas celle qui met en cause la fusion. 5. Livre IV. 324