Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
CONCLUSION proposer à deux amants de les unir de telle façon qu'ils ne fassent plus qu'un : « En entendant ces paroles, il n'y en aurait pas un seul, nous le savons bien, pour dire non, ni évidemment pour souhaiter autre chose ; mais chacun d'eux penserait, au contraire, qu'il vient tout bonnement d'entendre formuler ce que depuis longtemps, en somme, il convoitait : que par sa réunion, par sa fusion avec l'être aimé, leurs deux êtres n'en fissent enfin qu'un seul 3. » Platon n'approuve certes l'amour-fusion qu'après que Socrate a « désincarné » cette recherche de l'autre moitié de soi-même, en substituant au corps de l'amant, d'abord la Science, puis « ce qui est beau par soi seul ». Il n'em- pêche, comme le fait très justement noter Léon Robin, que les deux théories ne sont pas essentiellement diffé- rentes, et que Platon, par la bouche de Diotime « aban- donne la distinction des deux amours ; pour lui, l'amour est un dans son essence, et sa fonction est de recréer l'unité ». Deux façons de concevoir le destin des hommes sem- blent de tout temps avoir coexisté : l'une suppose que le seul bonheur possible est de retrouver son autre moitié et de reconstituer ainsi l'unité ; l'autre, au contraire, ne cesse de mettre en garde contre l'amour fou. Pour illustrer la première, je citerai pêle-mêle : le texte de Platon ; la Genèse, lorsqu'elle proclame : « l'homme s'attachera à sa femme et ils deviendront une seule chair » (2, 24), Saint Paul lorsqu'il dit : « Celui qui aime sa femme s'aime lui-même » ; Marie de France, 3. Platon, op. cit., 192 c. 4. Platon, Ibidem, Notice de Léon Robin. 323
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