Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE qu'un même être, elles finissaient par succomber à l'inani- tion et, d'une manière générale, à l'incapacité d'agir 1. » C'est dire que si un être humain cède au désir infan- tile de retrouver sa moitié perdue, celle dont il a été violemment séparé au moment de sa naissance, son sort est de succomber à l'inanition — physique et psychique - et de se trouver dans l'incapacité d'agir. Chacun sait, en effet, que l'amoureux qui trouverait l'objet perdu auquel il aspire s'immobiliserait dans une félicité parfaite et (comme l'enfant fixé à sa mère) n'existerait plus en tant qu'être présent au monde. Pour éviter pareil désastre, nous dit Platon, Zeus in- venta un nouvel artifice : « Avisant les moitiés, il transporte sur le devant leurs parties honteuses... son but était celui-ci : l'accouplement devait à la fois avoir pour effet, s'il y avait rencontre d'un homme avec une femme, qu'il y eût génération et reproduction de l'espèce ; et, en même temps, si c'était un mâle, que la satiété fût au moins le fruit de leur commerce, et que ce temps de relâche, en les tournant vers l'action, leur permît de s'intéresser à tout le surplus des choses de l'existence 2. » Platon affirme donc clairement que l'amour/fusion rend les êtres incapables de s'intéresser à autre chose qu'à eux- mêmes et à leur amour, et que de telles unions sont sté- riles : sur le plan de la reproduction de l'espèce s'il s'agit d'une union hétérosexuelle, sur celui de la création s'il s'agit d'une union homosexuelle. Aussi est-on étonné de voir Platon approuver le discours d'Aristophane lorsque celui-ci imagine qu'Héphaïstos vient 1. Platon, Le Banquet, Ed. Les Belles Lettres, 191 b. 2. Id., Ibidem, 191 C. 322
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