Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

CONCLUSION but que la fusion, puisque ce n'est que grâce à celle-ci que l'on pourra « boucher » le trou de l'incomplétude, créant par là même cet Absolu tant cherché. — Car l'amour fou est recherche d'un amour fusionnel qui reconstituerait la dyade mère-enfant. En tant que tel, c'est un désir infantilisant, qui doit être dépassé après avoir été vécu. C'est pourtant l'amour fou, l'amour fusion que valori- sent poèmes, romans et chansons, c'est lui que cherchent tous les amoureux du monde. Et il est difficile de résister à une image de l'amour qui nous vient de si loin : sur le plan personnel, elle nous renvoie au niveau le plus archaïque, celui où nous ne faisions qu'un avec notre mère ; sur le plan historique, elle remonte pour nous à ces philosophes grecs qui don- nent l'amour-fusion comme parangon de l'amour vrai. Par la bouche d'Aristophane, Platon, par exemple, expose dans Le Banquet la célèbre théorie des êtres dou- bles : les humains étaient autrefois doubles, et possédaient quatre bras, quatre jambes, deux têtes, etc. Les deux moitiés pouvaient être homme/homme, femme/femme ou mixtes : les androgynes. Par leur arrogance, ces êtres doubles mécontentèrent les dieux et Zeus, pour les punir, les coupa en deux ; depuis, les deux moitiés se cherchent éperdument, espérant se retrouver et recréer ainsi l'unité primitive. Le texte de Platon montre pourtant le danger de pareille recherche : « Dans ces conditions, le sectionnement avait dédoublé l'être naturel. Alors chaque moitié, soupirant après sa moitié, la rejoignait ; s'empoignant à bras le corps, l'une à l'autre enlacées, convoitant de ne faire 321

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