Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE Mais si les femmes n'existent pas pour lui en tant qu'êtres humains, il y a en revanche deux entités féminines qui tiennent le devant de la scène. L'une, la mauvaise mère, la putain, c'est Berthe Berrurier : énorme, ventrue, moustachue, la voix tonitruante, mangeant comme quatre, le sexe insatiable, la repartie féroce telle est B.B. ; elle est la « grosse vache », la « baleine », « ogresse », le « ty- phon ». L'autre, la bonne mère, c'est Félicie, la mère du commissaire : douce, tendre, virginale, elle est la gardienne du foyer ; indéfectiblement attachée à son fils qui est sa seule raison de vivre, elle est, à tout instant, prête à le sui- vre au bout du monde ou à lui mitonner de bons petits plats. Cette vierge-mère a un avatar en la personne de Marie-Marie qui, tout aussi asexuée qu'elle (c'est une en- fant), joue pourtant le même rôle protecteur auprès du héros. Berthe Berrurier est terrifiante, gigantesque, envahis- sante ; tous ses actes entraînent des cataclysmes. Elle n'a certes pas la noblesse de la Phantasmère, mais l'auteur lui a laissé ce côté implacable, écrasant, auquel rien ne résiste. Comment lui échapper, alors que « Tonnante et étonnante, détonnante et véhémenteuse comme une arra- cheuse de dents, elle meurt d'une jalousie viscérale, atroce, totale, fiévreuse ». Elle est loin d'être belle, avec « son dos gras, son gros cou violacé, ses cheveux ébouriffés par le vent, ses grains de beauté, sa moustache, son triple menton 5 », et pourtant elle ne manque pas d'amants, dont le préféré est Alfred, un tout petit homme qui fait irré- 4. Les vacances de Berrurier, p. 83. 5. Ibidem, p. 226. 310

RkJQdWJsaXNoZXIy MTc5ODk=