Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES DENTS ET LE SANG que c'est la femme seule, la femme toute-puissante qui est responsable de la création de l'enfant. Quoi de plus naturel, dès lors, que les hommes aient commencé par considérer avec envie, puis avec dégoût et enfin comme maléfique, ce sang qu'avec désinvolture elle laisse couler chaque mois ! C'est un véritable meurtre, un défi insupportable venu de la nuit des temps ; c'est comme si elle disait : « Que m'importent vos désirs de progéni- ture ? Moi seule décide si, de ce sang, je ferai un enfant ou si je le laisserai perdre. » Comme l'écrit Lederer : « Un beau jour, grâce à une entente secrète et mystérieuse avec la lune... elles se met- tent à perdre périodiquement le sang. De plus, et toujours de façon mystérieuse, elles savent arrêter ce sang et en faire des bébés. Pour nous, la fabrication des bébés est liée aux rapports sexuels... [mais] Malinowski souligne que les Trobriandais croyaient que les hommes ne jouaient aucun rôle dans cette opération ". » C'est donc avec le sang menstruel que la femme fabri- que les enfants, et c'est cette même idée qui fait que le sang qui accompagne l'accouchement est, lui aussi, terri- fiant. En effet, ce sang inutilisé va manquer à l'enfant, l'af- faiblir, peut-être au point de le tuer. C'est ce que semble indiquer la croyance des Tinnés pour lesquels le sang est principe de vie. De là vient la coutume suivant laquelle une mère qui a perdu un enfant fera porter au suivant un morceau d'étoffe taillé dans le caleçon qu'une autre femme a souillé de son sang ". En effet, elle considère qu'elle- 39. Lederer, op. cit., pp. 28 et 29. 40. J. Jette, « On the superstitions of the Tenn'as Indians », Anthropos, VI, p. 699. 303

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