Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LES DENTS ET LE SANG « Je pense néanmoins que ces questions mériteraient des recherches plus approfondies ". » Mais les femmes ne font pas que détruire les récoltes de riz, pourrir le tabac ou se faner les fleurs. En Californie, par exemple, les Karoks croient que si une femme touche à un médicament, celui-ci, loin de guérir, tuerait à coup sûr le malade auquel il serait admi- nistré. (Il faut ici admirer la subtilité des médecins Karok qui, de ce fait, ne sont jamais responsables de la mort d'un patient.) Pour les Indiens de la Colombie britannique, un sim- pel regard d'elles affaiblissait les chances de succès de la chasse ; aussi les malheureuses se couvraient-elles les yeux, car un coup d'oeil sur une proie abattue empêchait le chas- seur d'en tuer aucune autre ; de même, voir l'eau faisait que plus jamais un poisson n'y était capturé. Pour les Tinglit, c'était pire : non seulement le regard d'une femme impure détruisait tout espoir de chasse, mais encore il pétrifiait les choses qui devenaient ainsi inutili- sables. Chez les Tinnes (Indiens du Nord), sa vue seule était un danger pour la société « aussi un bonnet particulier, en cuir, avec des franges tombant sur son visage et jusque sur sa poitrine, la cachait aux regards du public, même quel- que temps après qu'elle eut recouvré son état normal " », dit Webster. Et Frazer, parlant de ces mêmes tribus qu'il appelle Tinnehs ou Dennés confirme que c'est bien de la terreur qu'inspirent les femmes : « Chez tous les Dennés et beaucoup d'autres tribus américaines, il n'y avait guère 28. Lederer, op. cit., p. 32. 29. Webster, Le Tabou, Payot, p. 103. 297
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