Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LES DENTS ET LE SANG Enfin certaines femmes, surtout en Europe, ne tranchent pas les sexes mâles, mais se contentent de « nouer l'ai- guillette » ; c'est du moins ce que disaient — avec bien d'autres — les Inquisiteurs. On peut lire, dans le Malleus Maleficarum : « On sait que certaines sorcières peuvent réussir à supprimer le membre viril... Quant à la façon dont cette chose est possible, d'aucuns prétendent qu'il y a deux manières : par le sens de la vue Du celui du toucher... la victime des sorcières peut subir la sup- pression de son membre viril de facto, ou bien par l'ima- gination ; il peut croire que quelque chose n'est plus, parce qu'il est subitement incapable, par ses sens extérieurs tels la vue et le toucher, de percevoir qu'elle est encore pré- sente. On peut donc conclure qu'il existe une véritable abstraction du membre dans l'esprit de la victime, bien que l'absence ne soit pas réelle ". » Mais il n'y a pas que les vagins dentés, serpentés, munis d'une scie, transformés en fantômes ou ensorcelés qui soient dangereux ; toute femme est dangereuse, puisque la plus douce, la plus tendre, la plus aimante d'entre elles, la mère, peut se transformer en tueuse : dans les légendes du monde entier, on voit la mère désirer la mort de son fils, et ourdir des complots pour sa perte. Or les légendes, le folklore d'un peuple, traduisent ses phantasmes, et cette façon de voir la mère est fort répan- due. Par exemple le type 590 * de la classification d'Aarne- 22. Jacob Sprenger, Malleus Maleficarum in tres divisas partes Francofurti ad Moenum, apud Nicolaum Bassaeum, 1580. * D'après l'index international d'Aarne-Thompson, le récit- type 590 peut se résumer ainsi : un prince voyageant avec sa 287
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