Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES DENTS ET LE SANG N'oublions pas non plus les enchanteresses, telle Circé. Celle-ci ne tuait point : elle transformait les hommes en bêtes et en peuplait ses étables... On pourrait longtemps poursuivre pareille énuméra- tion... et on pourrait en faire une semblable concernant les dieux. Car il existe aussi des dieux sanglants : moins san- glants et moins horribles peut-être, mais présents. Il y a toutefois une différence essentielle entre, d'une part, le groupe hommes/dieux, de l'autre, le groupe femmes/déesses. C'est que nous ne chargeons pas les hom- mes des crimes des dieux, alors que nous créditons les fem- mes des horreurs perpétrées par les déesses. Personne ne pense que son voisin, son camarade de travail possède des pouvoirs mystérieux et fatals. Mais chacun pense — cons- ciemment ou inconsciemment — que sa voisine ou son amie en a. Ainsi, lorsque Moloch, Chronos, Baal ou Satan se li- vrent à leurs horribles besognes, ils sont Moloch, Chronos, Baal, ou Satan, aussi éloignés des simples mortels que des dieux peuvent l'être des hommes. Au contraire, les récits qui décrivent les abominations féminines visent bien les femmes, celles de tous les jours : lorsque les Zoulous pré- tendent que si un homme meurt à la guerre, c'est la faute de sa femme dont l'étreinte porte malheur, ce n'est pas d'une lointaine déesse qu'ils parlent, c'est de leur voisine. Lorsque Freud écrit : « Là où le primitif a posé un tabou, c'est qu'il redoute un danger, et on ne peut rejeter le fait que toutes ces prescriptions d'évitement trahissent une crainte essentielle à l'égard de la femme " », et Lede- 1 1:Freud, Le tabou de la virginité, P.U.F., p. 71. 277

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