Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES DENTS ET LE SANG Russie, jusqu'à Maève d'Ecosse et Lysippe, reine des Ama- zones, et quelques favorites telles que Diane de Poitiers et la Pompadour. Force est alors de se demander pourquoi le pouvoir de ces souveraines ne serait pas « vraiment » dangereux. Car tout pouvoir est dangereux, et tout pouvoir absolu est absolument dangereux, indépendamment de son sexe (ou plutôt du sexe de celui qui l'exerce). Lederer, d'ailleurs, cite les meurtres, exactions, tortures, vols, etc., commis par ces reines, ou sur leur ordre ; faudrait-il conclure que ces meurtres, exactions, etc., sont des illusions parce que commis par des femmes ? Que non pas, ils sont « vraiment » dangereux. Les femmes sont « vraiment » dangereuses quand elles ont trop de pouvoir, exactement comme les hommes sont dan- gereux quand ils ont trop de pouvoir, ni plus ni moins. Mais on voit précisément à l'oeuvre dans ces deux petites phrases cette « gynophobia » qui fait perdre tout bon sens. Dans la première, Lederer n'est pas très sûr que les femmes n'aient pas vraiment de mystérieux pouvoirs, puis- qu'il se demande si par hasard ces pouvoirs n'existeraient pas uniquement dans l'imagination des hommes (contraire- ment à ce que l'on pourrait croire, il n'y a pas trace d'humour dans son interrogation). Puis, pris de panique devant son sacrilège (mettre en doute les pouvoirs de la Phantasmère !), il émet une suppo- sition tout aussi absurde, à savoir que le pouvoir absolu d'une femme ne saurait être « vraiment » dangereux. Ce qui est leur faire vraiment trop d'honneur ; il n'y a rien de magique ni de mystérieux chez les femmes — en tout cas rien de plus que chez leurs compagnons — et quand 269

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