Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE C'est bien parce que cette fusion avec Shambleau est pleine, malgré l'horreur, d'un invincible attrait, que la seule solution est sa mort, la mort telle que Persée l'avait donnée à la Méduse, car « Persée l'a finalement tuée... Persée l'a tuée en se servant d'un miroir pour réfléchir ce qu'il n'osait regarder directement ' », dit Yarol pour expliquer comment il a trouvé la force d'agir. Je ne pense pas, pour exacte qu'elle paraisse, que ceci soit la seule explication de la nécessité d'un miroir pour pouvoir tuer la Méduse : pour se saisir en tant qu'unité et en tant que totalité, pour se savoir autonome, séparé de sa mère, l'enfant a besoin de se voir dans un miroir. Ce n'est qu'ainsi, par un témoignage direct de ses sens qu'il saisit qu' « elle » existe, et que « je » existe : séparément, et non plus confondus. Or, la simple proximité de Shambleau — ou de la Mé- duse — suffit pour ôter toute volonté à sa victime. Celle-ci ne peut donc se regarder dans le miroir côte à côte avec elle. Il faut alors que le héros puisse la voir indirectement, à travers la médiation d'un tiers : le miroir. Ce n'est que grâce à ce stratagème qu'il peut la tuer, car il est ainsi doublement séparé d'elle : parce qu'il ne voit que son reflet, et en constatant qu'il ne fait pas un avec elle. Ainsi (dans le conte de science-fiction), Yarol et (dans le mythe) Persée, savent-ils qu'en la tuant, ils commettent un meurtre, non un suicide. C'est ce qui leur donne la possibilité d'agir. On voit donc que nos modernes auteurs de science- fiction, tout en habillant leurs récits aux couleurs du futur, n'en expriment pas moins la même crainte que les 15. C. L. Moore, op. cit., p. 119. 264

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