Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
PSYCHANALYSE ET SCIENCE-FICTION une planète étrangère, si loin de sa patrie, il a près de lui un être qui « ressemblait tant à une femme, une femme de la terre, soumise et réservée ». Et comment aurait-il pu se déprendre d'elle, qui était d'une « beauté atroce, à faire frémir, plus monstrueuse qu'aucune laideur », mais aussi « infiniment gracieuse, infiniment attirante sous son man- teau d'horreur vivante ». Nous avons comme l'image dans un miroir de ce qu'est la réalité quotidienne, et Shambleau est le reflet inversé de la femme. Dans la réalité, les femmes sont « tendres, soumises et réservées », c'est-à-dire inférieures et un peu sottes, tandis que l'inconscient leur attribue les pouvoirs merveil- leux et pervers de la Phantasmère. A l'inverse, Shambleau, venue de la nuit des temps, possède une extrême puissance maléfique, alors que Smith ne peut la voir (sauf durant quelques brefs éclairs de lucidité) que comme rassurante, puisque soumise, tendre et réservée à l'instar des femmes de la Terre, et donc aussi éloignée que possible de l'image de la Phantasmère qui est, elle, éblouissante, dominatrice et fatale. Smith est donc broyé entre deux sentiments contraires : l'amour fou et la haine, l'attirance et la répulsion, dirigés vers le même objet. Objet qui n'est pas la femme, ni le sexe féminin ; objet qui n'est pas un sexe réel, mais le sexe phantasmatique d'un avatar de la Phantasmère : la Mère au Pénis. Il n'a en effet plus rien à voir avec la réalité, ce sexe de Shambleau — cette tête de la Méduse — avec son au- réole de gigantesques pénis (gigantesques, puisque il est dit dans le conte que Shambleau peut s'y envelopper jus- 261
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