Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
PSYCHANALYSE ET SCIENCE-FICTION mater toute velléité d'indépendance de ses habitants. Par amour pour eux ; parce que sa vocation est maternelle ; mais, dépassant celle-ci, elle ne permet à ses « enfants » qu'une vie stéréotypée. Comme une mère surprotectrice, elle a perdu de vue son but : protéger pour un temps ceux qui lui étaient confiés. Envers et contre tout, elle garde en elle ses enfants, à l'abri du danger, mais morts au monde. Dans Gwendoline, les hommes ne sont pas plus libres de leur choix : la fascination qui les pousse irrésistiblement à aller se perdre dans la bouche/utérus de leur planète rend dérisoires les barrières et les remontrances du gar- dien. Car celui-ci est sans pouvoir : l'interdit n'est pas posé comme inviolable ; le père, ici, ne fait que conseiller, puis pleurer sur le sort des jeunes qui n'ont pas tenu compte de son avertissement. Quant à Planète ma mie, elle montre à l'évidence la disproportion qui existe entre la Phantasmère et l'enfant : non seulement elle est gigantesque, mais encore elle est dotée de tous les pouvoirs. Pour son enfant/amoureux, elle crée tous les bonheurs, toutes les merveilles ; il est en elle, heureux. Seule ride sur l'océan sans fin de ce bonheur, un astronef vient se poser, chaque trois ou quatre siècles, sur la peau de la planète. Mais, bien vite, celle-ci calme l'angoisse de son enfant et, par ses sortilèges, par sa toute-puissance, elle détruit l'intrus qui aurait pu trou- bler leur amour réciproque et exclusif. Certes, l'astronaute est heureux, dans sa vie larvaire. Mais le lecteur, lui, éprouve de l'horreur, car le destin des hommes n'est pas de rester à jamais des nourrissons. Dans les trois premières nouvelles, il y a, chez les « man- gés », comme une protestation : vague, inconsistante, ino- 257
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