Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE absorbant l'autre ; l'important étant de retrouver l'autre part de soi-même, de retrouver son autre moitié d'orange, de nier toute coupure. Ce qui revient à confirmer — et à confiner — la mère dans son rôle de Mère toute-puissante, de Phantasmère, comme si, à son désir, nul ne pouvait s'opposer ; c'est réduire l'enfant à n'être rien d'autre que le désir de sa mère, et c'est surtout nier le père, que l'on réduit à n'être que le spectateur passif de la dévoration de son enfant et de sa propre annulation. Dans la nouvelle, précisément, il n'y a personne pour prendre le rôle du tiers castrateur, personne pour casser la relation phantasmatiquement incestueuse de Valérie et du Narrateur, et c'est pourquoi l'histoire ne peut se termi- ner que par la mort de l'homme/enfant. Les trois récits dont il va être question à présent ont le même contenu latent. Le premier, Et le temps ne s'écoula pas', raconte l'his- toire d'une maison des temps futurs et de ses habitants. Cette maison entretient et prolonge presque à l'infini la vie de ses hôtes, grâce au concours de nombreux robots. Pour les humains qui l'habitent, l'existence est douce et le temps semble arrêté ; ce qu'ils ont fait la veille, ils le feront le lendemain ; pour eux, « dans huit jours » ou « il y a dix ans », c'est équivalent. Ils vivent en toute sécurité, bien au chaud, tandis qu'au dehors le malheur, le froid, la faim, la tempête font rage. Ils sont dans une sorte de Nirvâna, loin de toute tension, à l'abri. Mais, en réalité, c'est le piège, car cette sécurité les em- 6. Joanna Russ, « Et le temps ne s'écoula pas », Fiction, n° 79. 254

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