Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
PSYCHANALYSE ET SCIENCE-FICTION comme nous lui reprochons de le faire, c'est-à-dire que nous renvoyons l'enfant dans le non-être, en lui déniant toute prise sur son propre destin. Dire que l'enfant n'est rien d'autre que le désir de sa mère, c'est nier deux personnes : l'enfant et le père. Car le père aussi a son mot à dire, lui aussi est « responsable », si responsabilité il y a. En fait, que ce soit dans la réalité (la dyade mère/ enfant), ou dans le conte (Valérie/narrateur), tout couple fusionnel marque la rencontre de deux désirs, exclusive de toute autre personne. On ne sait pas, dans de tels couples, qui incorpore qui ; lequel est contenant, et lequel contenu : c'est une sorte de jeu mortel, où chacun veut absorber, dévorer l'autre, et qui n'a de fin — si le tiers castrateur n'intervient pas — que dans la folie ou dans la mort. Et c'est bien ce qu'exprime la Valérie du conte : « En m'épousant, tu n'as plus voulu faire qu'une chair avec la mienne, qui n'est pas la vie, mais le désir insatiable que j'ai d'exister », car c'est la marque même de l'amour fou que de ne vouloir faire qu'un avec l'autre. Cela est vrai pour les adultes qui cherchent l'amour/ fusion, et cela est vrai pour la dyade mère/enfant : désir de la mère de garder tout à elle la « chair de sa chair » et désir du nourrisson de retrouver la sécurité, la tiédeur de l'enveloppement maternel ; désir de Valérie de dévorer, d'incorporer sa proie tout entière, et désir du narrateur de se laisser dévorer, de ne faire qu'un avec « Elle ». Désir de la mère de garder l'enfant — parce qu'en une sorte de jeu de miroirs, avoir un enfant dans son ventre et être un enfant dans un ventre, c'est équivalent ; et désir de Valérie de se sentir complète, de combler son « vide » en 253
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