Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE semblables, nous avons accès au grand livre du temps, où est inscrit le nombre d'années accordé à chaque humain. Pour acquérir seulement une apparence de vie, il me faut dérober leur avenir à des êtres tels que toi. » Valérie est l'image même de la mère qui dévore son nourrisson, qui l'empêche de se séparer d'elle, de devenir autonome. Mais, aussi, qui doit se nourrir de lui pour être ; qui, sans lui, n'est que Vide. On ne peut s'empêcher d'être frappé par la similitude des paroles de Valérie avec ce qu'exprime M. Mannoni dans son livre L'enfant arriéré et sa mère : « Dès sa conception, le sujet joue pour la mère un rôle très précis sur le plan phantasmatique ; son destin est déjà tracé ; il sera cet objet sans désirs propres, dont le seul rôle sera de combler le vide maternel'. » Ce n'est pas par hasard, ce n'est pas par une étrange coïncidence que le conteur et la psychanalyste écrivent la même chose, c'est parce que tous deux puisent à la même source : l'inconscient. Par des moyens différents, ils en arrivent, l'un et l'autre, à décrire le drame qu'est la non-séparation. Mais, pour le héros du conte, seule Valérie est respon- sable, c'est elle qui a voulu le dévorer ; lui n'y est pour rien, il est innocent de ce qui lui arrive ; le titre de la nouvelle l'indique assez : La Proie. De la même façon, s'agissant de l'enfant psychotique, toute la faute est rejetée sur la mère. Il n'est pas question ici de « reprocher » à l'enfant fou ou débile d'être aussi pour quelque chose dans son état. Mais, à donner toute la faute à la mère, nous agissons 5. Maud Mannoni, L'Enfant arriéré et sa mère, Seuil, p. 66. 252

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