Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
        
 LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE homme — le marin — qui était le premier et légitime propriétaire de l'être. Aussi North accomplit dans le conte ce que chaque enfant a rêvé d'accomplir : il tue le gêneur, l'étranger, celui qui menaçait de le séparer de sa chimère. North a bien — pendant un instant — le pressentiment qu'il court à sa perte ; il sent « ce souffle glacé, cette sen- sation d'horreur. Plus qu'immonde. C'était comme s'il avait franchi les abysses et les siècles, dépassé les limites humaines — et abouti à cela. Au néant, au vide. Il était au fond d'un puits, dans une ténèbre complète, et sa bou- che était pleine de sang. Des coups rythmiques ébranlaient cet univers clos. » Mais il est trop tard, North va manquer ce que chaque humain — ou presque — réussit, c'est-à-dire couper le lien avec la Mère. Car North a tué le marin, le seul qui pouvait, et qui avait le droit de lui reprendre l'être venu d'ailleurs, le seul qui pouvait trancher le lien fusionnel, qui pouvait briser la dyade. Et le pilote aveugle va payer de sa vie cet amour/fusion impossible, cette réponse positive qu'il a donnée au chant de la sirène. Car ici la nouvelle rejoint le mythe, et évoque la sirène, et le vertige dans lequel elle entraînait les humains. Dans le récit, toutefois, l'être n'est pas une très belle créature, parée de tous les charmes féminins et à la voix ensorce- lante. L'auteur en donne la description suivante : « C'était une grosse bête à tête ronde et à moustaches, avec une grosse peau huileuse. La femelle donnait à téter à un petit bibendum... » « C'est ridicule, n'est-ce pas ? dit North d'une voix rauque et brisée... Dire que tant d'hommes ont 250
        
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