Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE l'animal d'ailleurs — réagissant à une double contrainte fondamentale par la folie ou par la mort. Mais si nous approfondissons un tel énoncé : « La mère est la Loi », nous voyons qu'il est plus complexe qu'il n'y paraît, et qu'il n'est pas sans conséquence. « La mère est la Loi », cela veut dire que c'est la mère qui est le garant de l'interdit de l'inceste ; or cela est contradictoire, dans la mesure où l'interdit de l'inceste a justement été instauré pour diminuer la puissance de la mère ; si celle-ci représente la loi, sa puissance en sera au contraire augmentée. La mère ne peut pas « être la Loi », mais elle peut « faire la loi » ; or, plus elle « fait la loi », plus sa puissance augmente, plus l'enfant a de difficultés à se séparer d'elle, donc moins l'interdit de l'inceste est accepté, et moins la mère « est la Loi ». La mère ne peut donc pas « être la Loi » mais elle peut « faire la loi », et cela est déjà bien suffisant, par le surcroît de puissance que cela lui donne (une mère qui « fait la loi » ne peut, à l'évidence, avoir un mari qui « est la Loi »), pour entraîner chez son enfant les troubles que nous connaissons. Les auteurs qui écrivent : « La Mère est la Loi » ne méconnaissent sûrement pas cela ; mais ils méconnaissent la puissance des mots : écrire, dire une telle phrase, c'est, en fait, donner toute la puissance à la Mère, c'est rappeler, hic et nunc, la Grande Déesse ; c'est sous-entendre qu'elle est souveraine, qu'elle a choisi d'incarner la Loi. Alors qu'écrire, par exemple : « Dans telle famille le père n'est pas garant de la Loi », c'est constater une carence regret- table, mais dans laquelle la mère n'est pas — ou est 242

RkJQdWJsaXNoZXIy MTc5ODk=