Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin
LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE de sentir que, sorti lui-même du corps de sa mère, il n'en fait plus partie *. Un des moments privilégiés qui permettent de sortir de la relation fusionnelle avec la mère est donc celui où, pour la première fois, l'enfant a quelque chose à offrir en échange de l'amour, de la nourriture, des soins qu'il reçoit. Si l'enfant peut se dire (inconsciemment bien sûr) quel- que chose comme « Je donne à Toi », cela implique forcé- ment une relation d'échange qui différencie un « Je » qui donne et un « Toi » qui reçoit. En plus du premier échange — qui est échange d'amour à travers Tes objets — nous avons donc là une étape capi- tale : la séparation de moi et de toi. Ce n'est pas sans raison que les jeunes enfants ont du mal à maîtriser le pronom « je », et que les autistes n'y arrivent pour ainsi dire jamais ; car si on peut distinguer un sujet et un objet, dire « je » et dire « tu », c'est que l'on est sorti de la masse indistincte que formaient jusque- là la mère et l'enfant, et que l'on a renoncé à la fusion totale mère/enfant. Une autre des acquisitions capitales des premiers mois de vie est la notion du temps. L'étude des enfants autistes a permis de comprendre comment le manque d'échanges avec la mère entraîne chez l'enfant la négation du temps. L'autiste, en effet, est sûr qu'il ne recevra jamais la * L'enfant imagine que le bébé et l'excrément se ressemblent, car, « si l'enfant croît dans le corps de sa mère puis s'en trouve enlevé, cela ne peut se produire que par un seul chemin, l'orifice intestinal. L'enfant doit être évacué comme un excrément, une selle » (Freud, Les théories sexuelles infantiles, P.U.F., p. 21). 230
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