Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LES SOURCES INCONSCIENTES DE LA MISOGYNIE l'on attribue à la femme, ce ne sont ni ses qualités ni ses défauts propres, mais bien des projections des qualités ou défauts phantasmatiques de la Mère Toute-Puissante ; toujours toute-puissante, qu'elle soit Mère Sublime ou Putain, qu'elle soit la Vertu ou le Vice. Ainsi se profile, derrière deux types de femmes qui semblent pourtant à l'opposé l'un de l'autre : le type « fi- dèle Pénélope » et le type « repos du guerrier », toujours le modèle maternel. La première est l'image de l'épouse qui attend patiem- ment au foyer le fier et courageux explorateur parti au loin découvrir le monde ; la deuxième évoque l'affriolante créature prête à recevoir en son sein le héros qui revient tout couvert de médailles et de sang. Mais derrière tout cela, je ne puis m'empêcher de voir le petit bébé qui ap- prend à marcher : il fait quelques pas tout seul, incertain encore dans ce qui est — à son échelle — une marche héroïque, le départ à la conquête du monde. Puis, fier et heureux de son succès, tout gonflé de son exploit, revient se jeter dans les bras de sa mère, pour qu'elle le félicite de sa victoire et le console des souffrances endurées. Suivant que, dans la psyché du héros, la mère aura été phantasmée plutôt comme Mère Sublime ou comme Putain, celle qui l'attendra au retour devra être une « Epouse-attendant-fidèlement-au-foyer » ou la « merveil- leuse récompense due au vainqueur ». La sexualité masculine oscille donc perpétuellement entre deux pôles aussi irréels et aussi insatisfaisants l'un que l'autre : la Mère et la Putain. Où donc est la place de la femme ? 210

RkJQdWJsaXNoZXIy MTc5ODk=