Les Sources Inconscientes de la Misogynie - Gabrielle Rubin

LA SOCIÉTÉ ET L'AMOUR des cas, cette fixation n'est que partiellement incestueuse, la sexualité sera vécue incomplètement. Ce que Freud nous dit là, et qui est un thème que l'on retrouve souvent dans son oeuvre, c'est que le premier objet libidinal est la mère ; mais que cet objet étant inter- dit, le jeune enfant est obligé de le refouler en tant qu'objet incestueux. Si la fixation à ce premier objet est trop impor- tante, alors toute la sexualité est entraînée dans ce refou- lement. Il nous a donc bien donné la réponse : si la sexualité est refoulée, c'est dans la mesure même où elle est liée à l'objet incestueux. Et si la société « refoule » (interdit) la sexualité, c'est parce que celle-ci pourrait reproduire le lien incestueux, autrement dit pourrait aboutir à un amour/fusion, désas- treux tant pour elle-même que pour chaque individu : — Pour l'individu, ne pas rompre le lien fusionnel, c'est aller vers la mort *. — Pour la société, ne pas interdire l'inceste, ou ce qui lui ressemble, c'est accepter sa propre disparition... La crainte de l'amour/fusion rendait donc inévitable le refoulement de la sexualité. Ce n'est certes pas la majorité des gens dont toute la sexualité est ainsi refoulée. Mais pratiquement tout le monde est — peu ou prou — victime de ce refoulement. Si l'on fait le compte de tous ceux qui souffrent de quelque trouble plus ou moins grave de la sexualité, on arrive bientôt à presque toute l'humanité : Freud pensait que l'impuissance psychique est « quelque chose de beaucoup * Cf. chapitre xiv où j'étudie la psychose infantile. 175

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